Dendana en concert acoustique à la Grosse Mignonne, Montreuil, le 13 Décembre 2014
Dendana en concert acoustique à la Grosse Mignonne, Montreuil, le 13 Décembre 2014
Nassim Dendane, alias Dendana, est un artiste au grand coeur. En effet, celui-ci n’hésite pas à mettre à disposition son premier album en téléchargement libre sur son site internet (avec son groupe Dendana Project) ,et à se produire gratuitement ou pour une somme modique sur Paris et proche banlieue. Découvert grâce à Intissar Bourahla, une ex-collègue de bureau devenue une bonne amie, j’avais apprécié l’originalité de ce musicien mêlant non seulement divers styles musicaux (voir plus bas), mais également diverses langues (anglais, français, arabe). Depuis ce premier rendez-vous avec sa musique, j’ai suivi de près son activité sur les réseaux sociaux. Mon emploi du temps m’ayant néanmoins empêché de le voir lors de ses concerts successifs, j’ai pu rattraper mon retard avec cette prestation au restaurant « La Grosse Mignonne » le 13 décembre 2014 à Montreuil Après avoir bien suivi les indications de Mappy depuis la station « Croix de Chaveaux », j’arrive à 20h15 sur les lieux du concert. Quand je pousse la porte du restaurant, me voici nez-à-nez devant la rencontre des improbables : murs jonchés de tableaux pop art, fauteuils Louis XV et luminaires en papier japonais Céline Wright. Nassim, arborant une barbe de trois jours et les cheveux attachés en bouquet, est juché sur son tabouret, placé au beau milieu d’une scène aussi grande qu’un blacon d’appartement parisien. Entouré d’un piano Klein et d’une chaise vide, il s’échauffe la voix tout en donnant des consignes pour régler le son de la guitare à son ami posté devant la console. Il esquisse un sourire en me voyant et je le salue en retour. J’attends qu’il finisse son soundcheck pour échanger une vive poignée de mains. Nassim se plaint d’un son trop étouffé de la guitare et demande à son acolyte de l’eclaircir.
Il est 20h30 et Jérémy, un ami batteur de Nassim, le rejoint. Il prend le relai à la console. L’artiste continue à s’échauffer la voix avec « Waiting In Vein » de Bob Marley. Entre-temps, j’ai commandé mon Burger-frites. Un « Eleanor Rigby » rythmé m’accompagne dans mon attente. Puis Nassim s’absente, et c’est une compilation très orientée jazz qui comble le vide sonore. Le restaurant se remplit peu a peu et les conversations commencent à couvrir la musique. A 21h30, Nassim revient sur son promontoire, muni d’un calepin et de sa guitare. Il annonce que la soirée sera partagée en trois sets : son album « DenDana » en intégralité, des reprises, et, enfin, des morceaux de son prochain album. Le voici donc parti pour un premier set avec des chansons dont il présente brièvement la signification. Bien entendu, la diversité qu’on retrouvait sur le premier album (dub, reggae, jazz-funk, gnawa, pop) ne peut pas être rendue par l’épure de l’instrumentation. Mais l’exercice est plus périlleux, impossible de tricher, il faut donner le meilleur de soi quand on est juste accompagné d’une guitare. Et c’est effectivement ce qui arrive. Nassim enchaîne les titres avec une grande classe et une voix à faire tomber. Arabe, anglais, français, peu importe la langue, la musique et les émotions que l’organe puissant (oui c’est ça, ricane toi derrière ton écran !) de Nassim véhiculent sont universelles. S’épongeant le front avec un kleenex entre deux morceaux, on le voit grimacer à la manière de Ian Anderson, et s’emporter tel Joe Cocker dans les refrains. Pour accompagner ses textes tour à tour amères et nostalgiques, il pince délicatement les cordes de sa guitare en battant de temps à autre la mesure sur le bois verni. En plein milieu de « Aux Âmes », il se met à réduire la cadence – sur le ton de l’humour – pour se mettre au diapason du public ! Ce dernier se ressaisit alors, et le rythme revient.
Quand arrive « Dendana », il fait participer le public au refrain, mais se plaint de n’entendre que des voix d’homme (dont celle de votre serviteur). Le voici alors prendre une voix de fausset pour motiver les femmes à entonner le refrain en choeur. L’artifice fait mouche et les dames présentes suivent. Il est 22h et Nassim s’accorde une pause. J’en profite pour faire connaissance avec ma voisine, Jamila. Psychanaliste, c’est sa copine qui lui a proposé de venir découvrir Nassim Dendane. Marocaine, elle m’explique le sens des paroles en arabe. Au bout d’une demi-heure, Nassim entame son deuxième set, constitué de chansons qu’il a revisitées pendant sa résidence à Montreuil. Le chanteur a échangé le mouchoir contre une serviette de bain, bien plus efficace pour évacuer la sueur de son front. Après une première chanson en français, suit le « Waiting In Vein », dont il avait donné un aperçu lors du soundcheck. Un grand moment d’emotion, Nassim est arrivé à sublimer la mélodie de cette excellente composition. Un autre reggae suit, « Turn Your Lights Down Low ».
Puis l’algérien désire quitter la Jamaïque pour l’Angleterre. Mais voilà, il se heurte au refus du public. C’est alors que Nassim s’offusque, toujours sur le ton de l’humour, en lançant « vous êtes tous drogués ! » Histoire de montrer que les Beatles se sont inspirés de Jean-Sébastien Bach pour leur chanson « Blackbird », le voici présentant une ritournelle aux effluves effectivement toutes baroques. Quand il demande qui dans la salle connaît cette chanson, je suis le seul à lever le bras ! Mais avant de l’entonner, c’est l’hymne algérien qu’il reprend, et là j’aurais fait moins le malin s’il avait posé la même question. D’ailleurs, quand il voit que la jeune fille en face de lui ne l’a pas reconnu, il scande, à nouveau sur le ton de la plaisanterie « c’est normal, elle est kabyle !« . Mais pour calmer le jeu, l’artiste s’adresse aux kabyles présents en leur annonçant qu’il leur réserve des surprises ! Et en effet, après un « Eleanor Rigby » dynamique, le voici présenter une chanson kabyle en nous contant qu’il vient de l’ouest Algérien et qu’il a vu une kabyle pour la première fois a 17 ans (« la Kabylie, c’était comme Mars pour nous ! »). Pour planter le décor, il demande au public de s’imaginer les montagnes et les odeurs d’olive. A nouveau, beaucoup d’émotion dans la voix de Nassim, en mode kabyle donc cette fois-ci.
Son ami Ahmed Djamil Ghouli (du groupe Djmawi Africa) le rejoint, « aussi grippé que moi » annonce la vedette de la soirée, « donc je vais lui demander de partager ses microbes avec vous« . Le plaisantin laisse ainsi la place à son ami aux dreadlocks et aux yeux mi-fermés le temps de deux chansons. La première est une mélopée algérienne en version reggae, qu’on jurerait chantée par un vocaliste d’Afrique Noire si on l’écoutait les yeux fermés. La deuxième mêle avec adresse arabe et français. Puis s’installe un duo avec Nassim sur le morceau « John Mayall », « qui se traduit en français par… »John Mayall » !« , plaisante le « rasta », qui l’a rapporté dans ses valises au retour d’un concert donné à Ouagadougou. Nassim se retrouve ensuite à nouveau seul avec sa guitare. C’est là qu’une fillette vient lui remettre une rose jaune, qu’elle a retirée du bouquet que sa maman avait acheté. Un véritable moment de tendresse que l’on n’attendait pas ! Le chanteur l’accroche alors à la barrette la plus externe du manche de sa guitare et poursuit son set avec une « Javanaise » mélancolique, puis des « Passantes » rythmées.
Il est alors 23h30 quand Nassim enchaîne son 3ème set, plus court que les deux premiers car, par allusion au tennis, « il n’est pas Sampras ». Après une première chanson en arabe, c’est un texte d’Aragon qui met en branle la seconde. L’arabe revient avec « Dounia » (“la vie”), même si émaillé d’un court passage en français. « Galou », morceau du premier album de Nassim, est précédé d’un bel interlude composé par son père. Pour finir la soirée, Ahmed Djamil revient pour un duo, accompagné dans le refrain par un très beau choeur féminin émanant du public. Il est minuit et Nassim remercie le restaurant et le public. J’ai donc passé une belle soirée. Le burger-frites était bon (une adresse à retenir donc, rien que pour ça !), la musique tout autant. Grâce à son humour, et l’émotion qu’il véhicule dans sa voix, Nassim a su conquérir le public présent. Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas gêné pour participer, aussi bien sur le plan vocal que gestuel, votre serviteur en étant. En effet, assis pour reprendre les refrains, c’est débout que j’ai imprimé à mes bras et mes jambes des mouvements riches en arabesques. Par ailleurs, par les temps qui courent, un concert gratuit d’une durée effective de 2 heures est vraiment une fleur qu’il faut cueillir sans hésitation.
Lucas Biela
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Ahmed Djamil Ghouli, Jamila, Lucas, et Nassim Dendane
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