Dekad – Monophonic
BOREDOMproduct
2011
Dekad – Monophonic
En septembre 2015, je vous ai déjà parlé de Dekad à l’occasion de la sortie de son nouvel album, A Perfect Picture. Je vous disais alors qu’il a fallu quelques albums pour que Dekad, qui est une délicate machinerie, trouve l’équilibre rêvé entre mélodie, voix, séquences, basses, effets et rythmes. Monophonic fut l’album de la maturité, très bien produit et mixé, riche, varié, à la fois puissant, fragile et hypnotique. Rien ne naît de rien, et il faut bien faire ses premiers pas avec plus ou moins d’assurance avant de voler de ses propres ailes et Monophonic vint après un Sin_Lab déjà plus que prometteur et un Confidential Tears encore plus convaincant. C’est la preuve du travail incessant qui a été réalisé et toujours remis en question pour un meilleur rendu la fois d’après. J’avouerais encore que Dekad est un objet musical passionnant, tant par la musique qu’il produit que de par son essence même. Pas assez sombre et/ou brutal pour faire partie de la dark wave de plein droit, pas assez pop pour appartenir à l’electro-pop en tant que telle, Dekad emprunte pourtant depuis ses origines à ces deux genres tout en affirmant un style bien à lui, fascinant et immuable.
Monophonic, le terme, fait d’emblée penser, surtout concernant de la musique électronique, à ces synthés si prisés qui, certes, ne jouent qu’une note à la fois, comme le Minimoog, mais qui parviennent un peu paradoxalement et à cause de cela à se muer en instruments redoutables de précision et d’efficacité. C’est exactement cet apparent paradoxe que veut signifier Monophonic quand il désigne le passage de Dekad, du trio qu’il était, à un projet solo. Moins de membres sur le pont mais, pour celui qui reste, plus de liberté, de souplesse et de rapidité. Seul, vraiment ? Non, pas tout à fait, car JB pouvait bien sûr compter dans les coulisses sur l’aide précieuse et constante de member u-0176, lui-même fer de lance de Celluloide et directeur de BOREDOMproduct. Même si JB avoue un penchant pour Moderat, Apparat, Haujobb, Neues Kombinat et Röyksopp, et une faiblesse pour Nomenklatür, Commuter et Blackstrobe, nous sommes ici entre Depeche Mode et VNV Nation, même si cela ne ressemble de près à aucun des deux. On pense aussi à And One, à Covenant ou encore à Mesh et à Apoptygma Berzerk. Et il y a également des traces de Ladytron et de Goldfrapp. Pas mal pour un seul homme. Et c’est aussi assez dire que Monophonic est un album varié, racé et même gourmand, réalisé avec goût et passion par un immense connaisseur du genre.
En fait, ce que j’apprécie tout particulièrement chez Dekad, c’est ce sens de la mélancolie subtile, suave et raffinée. Néanmoins, le pendant en est que Dekad ne fait pas dans l’évident ni dans l’impressionnant. Il faut écouter Dekad comme une musique intimiste, provenant des failles du musicien, voulant parler à l’âme de chacun. Le truc est que ceci est coulé dans des mélodies parfaites enrobées d’arrangements ciselés au micron près. Mêmes les vocaux ont l’air d’être murmurés plutôt que chantés. Par-dessous, les compositions sont solides. C’est la simplicité qui plaît dans « Hands Over Me » et « Dirty Princess ». C’est en rapport avec le fait que, selon les propres dires de JB, « l’album a été en totalité composé de nuit, à des heures où les gens ‘normaux’ dorment. On a tous besoin de se garder des moments qui n’appartiennent qu’à nous. Ces moments-là, je les consacre à la musique ». Cependant et à l’inverse, « Don’t Try » et « Darkest Days » montrent que les nuits de JB ont quand même été souvent agitées, à l’image des sons de synthés bien tourmentés qui planent sur ces deux titres. Citons enfin, last but not least, « So Sorry », chanté en duo avec l’élément féminin de Foretaste, un régal. Mais tout l’album est excellent, vraiment.
Frédéric Gerchambeau