David Sylvian – Blemish
David Sylvian
Samadhisound
Depuis quelques mois, les fans de David Sylvian sont plus que gâtés. La série du bonheur débute en effet avec la parution surprise d’un album étonnant (celui dont il est question ici) sur le nouveau label de l’artiste, puis elle se poursuit avec un concert parisien inoubliable à la Cigale le 27 septembre, et se conclue en apothéose avec la luxueuse réédition de ses quatre premiers opus en solitaire. L’introductif « Brillant Trees », l’instrumental « Alchemy : an index of possibilities » (objet de convoitise devenu très vite rarissime), le monolithique « Gone to Earth » et l’intimiste « Secret of the behives » ont ainsi tous bénéficié d’un superbe lifting sonore et visuel, et se sont vus enrichis pour la plupart de titres bonus à l’intérêt non négligeable. Sans oublier le tout récent CD-single japonais « World Citizen » (Warner Music) que le chanteur anglais a enregistré en compagnie de son vieil ami Ryuichi Sakamoto, à qui l’on doit conjointement « Forbidden colours », le célèbre thème du film « Furyo » de Nagisha Oshima. Et pour ceux qui n’auraient pas encore épuisé les dernières ressources de leur porte-monnaie, trois albums de Japan viennent également de subir la remasterisation ultime, ainsi que le projet Rain Tree Crow, chef d’œuvre absolu de pop high-tech enregistré en 1991 par David Sylvian et ses anciens comparses Steve Jansen, Richard Barbieri et Mick Karn, ici autrement plus inspirés que par le passé. Ouf, je crois qu’on va s’arrêter là pour le moment, d’autant plus que l’artiste doit nous pondre un nouvel album pour le printemps 2004, cette fois-ci en compagnie de son frère Steve Jansen, batteur/percussionniste aussi chanteur à ses heures.
Mais revenons à l’œuvre qui nous intéresse, à savoir « Blemish », 1er album de David Sylvian a avoir vu le jour chez Samadhi Sound, label indépendant qui, on l’espère, permettra à son fondateur de continuer à créer librement et sans la moindre pression ou contrainte commerciale. Précisons ici que Sylvian vient juste de divorcer avec la maison Virgin, après une vingtaine d’années d’entente commune. « Blemish », accusant 43 trop courtes minutes au compteur, est un album qui peut dérouter à la première écoute de par son contenu à la fois minimaliste et biscornu, mais qui livre toute sa substance émotionnelle pour peu qu’on veuille bien s’y attarder un peu. A des années lumières de la grosse production d’un « Dead bees on a cake », dernier « vrai » album solo en date et nouveau chef d’œuvre de pop sophistiquée au potentiel de séduction immédiat, « Blemish » est une œuvre hyper-intimiste, entièrement composée et produite à domicile. Le contenu de l’album pourrait se définir comme une sorte de rencontre entre style electro branché, ambient atmosphérique, pop acoustique et musique improvisée. En effet, quelques parties de guitares acoustique peuvent s’avérer pour le moins déconcertantes ! Mais le bonheur reste intact, et si les huit perles sous éther que regroupe l’album sont dans l’ensemble animées par les textures synthétiques, mélopées et autres effets de guitares dont seul David Sylvian a le secret, elle n’en restent pas moins dominées par le voix chaude et suave de celui-ci, omniprésent ou presque au niveau du chant.David Sylvian prouve donc une nouvelle fois avec « Blemish » qu’il est un artiste rare et précieux, un indémodable qui se bonifie avec le temps tout en se renouvelant constamment. En conclusion, je conseillerai au néophyte qui souhaiterait débuter son voyage en terres « Sylvianesques » de se pencher en priorité sur un disque antérieur du musicien anglais. N’importe lequel fera l’affaire, avec une préférence cependant pour le définitif « Gone to Earth ». Les autres peuvent prendre leur billet sans hésitation.
Philippe Vallin (8/10)