David Bowie – Toy
Columbia
2022
Fred Natuzzi
David Bowie – Toy
Faisons un saut dans le temps de vingt-cinq ans. En 1997, David Bowie sortait Earthling, un album qui prenait une direction très différente de 1.Outside, en privilégiant le drum & bass, s’inscrivant dans un courant musical assez osé pour un artiste de cette envergure. Mais Bowie n’avait peur de rien, et surtout pas d’expérimenter, comme en attestait déjà 1.Outside deux ans auparavant. En 1999, changement de registre, beaucoup plus conventionnel cette fois-ci avec ‘hours…’. Que faire ensuite ? Bowie eut l’idée de reprendre ses vieilles chansons des années 60 afin de les remettre au goût du jour et de d’amuser avec. Le projet Toy était né et devait être le prochain album de Bowie en 2001, avec donc des reprises et quelques inédits. Malheureusement, Virgin refusa l’album et demanda un opus plus commercial. Bowie pris ses cliques et ses claques et rejoignit Columbia en fondant son propre label ISO. Au lieu de sortir Toy comme il le voulait, il se remit à composer et c’est Heathen qui sortit en 2002, contenant deux nouvelles compositions de Toy, « Afraid » et « Slip Away », anciennement connu sous le titre « Uncle Floyd ». L’époque étant aux EP de singles, la plupart des titres de Toy sortirent sous ce format. Puis en 2011, une mauvaise version de travail fuita sur internet, Il fallut attendre 2021 pour entendre Toy dans sa version définitive dans le coffret Brilliant Adventure, avant sa sortie individuelle dans un beau coffret 3 cds en 2022 (mais dont la pochette est tout bonnement… euh… comment dire… hideuse !)
On retrouve son groupe de scène de l’époque avec les géniaux Mike Garson aux claviers, Earl Slick à la guitare, Sterling Campbell à la batterie et la fabuleuse bassiste Gail Ann Dorsey que l’on avait déjà repéré avec Tears For Fears sans Curt Smith. Trois cds donc : l’album, des versions alternatives et une session acoustique et un peu électrique. Disons-le d’emblée, les deux cds supplémentaires sont plutôt à considérer comme des bonus, des témoignages de l’époque, plutôt que de précieux enregistrements à absolument écouter. L’album Toy suffit, d’autant plus que ce n’est pas non plus un des meilleurs opus de la carrière de Bowie. Cependant, il aurait eu toute sa place dans la discographie de l’artiste, et aurait laissé un meilleur souvenir que ‘hours…’, assez fadasse. Commençons par les inédits. « Shadow Man », c’est peut-être l’unique raison d’avoir cet album s’il vous en fallait une. Originellement composée pour Ziggy Stardust, c’est un titre mélancolique magnifique avec une voix émotionnelle splendide qui fout la chair de poule. Par contre, « Hole In The Ground » ne restera pas dans les annales, plutôt quelconque. Elle avait été composée dans les années 60 mais jamais enregistrée. « Toy (Your Turn To Drive) » est par contre plus réussi grâce à un travail plus harmonieux et aérien, où la guitare et le piano se répondent superbement avec une basse fantastique.
Toutes les autres chansons sont des réinterprétations de singles sortis dans les années 60, de faces b ou de titres de ses groupes King Bees et The Lower Third. J’ai dû écouter tout ça il y a fort longtemps, mais je dois dire que je n’en ai aucun souvenir. Aucune possibilité de comparaison donc et je n’ai pas voulu me plonger dans l’exercice pour cette chronique. C’est donc avec une oreille neuve que j’ai pu découvrir ces titres. L’ensemble fait plaisir, mais ne reste malheureusement pas dans les mémoires. Bowie reprend quelques singles : « I Dig Everything » est une chanson correcte qui est bien meilleure à partir du milieu du morceau. « You’ve Got A Habit Of Leaving » est bien supérieure, du Bowie pur jus qui mélange le style années 2000 avec les années 60 avec une deuxième partie instrumentale magistrale. Sur « Can’t Stop Thinking About Me », on sent bien le style Bowie 60’s, un titre rock et dynamique. Enfin, « Liza Jane » est peut-être la pièce la plus ancienne du répertoire de Bowie. Elle se trouve sur le cd 2 de Toy et est elle-même une reprise de blues. Intéressant pour entendre Bowie dans ce registre. Passons aux faces B réenregistrées : « The London Boys » est peu charismatique, « Conversation Piece » possède une jolie guitare acoustique, des cordes bien senties et Bowie, posé, fascine ; enfin « Baby Loves That Way » n’embarque pas avec sa mélodie laborieuse. « Silly Boy Blue » est, lui, échappé du premier album éponyme de Bowie paru en 1967. Joli feeling sixties dans lequel on se laisse volontiers aller. Les titres restant sont parus sur une compilation de 1970, The World Of David Bowie. « Karma Man » montre bien son appartenance à l’époque Space Oddity, « Let Me Sleep Beside You », malgré son dynamisme, est peu convaincante, « In The Heat Of The Morning », sur le cd 2 est sans doute la meilleure de l’époque.
Bowie s’était donc bien amusé avec ses jouets et envisageait de nous les donner pour perpétuer un certain héritage. Comme un retour aux sources pour donner une seconde chance à ces titres incompris à l’époque. Le résultat est mitigé mais tout à fait honnête et il serait une erreur de ne pas avoir ce disque dans votre discographie de Bowie. Rien que de réentendre sa voix sur des morceaux (quasi) inédits vaut le coup. Enfin, Toy donne envie de se replonger dans la carrière de Bowie, et ça déjà, c’est essentiel.