David Bowie – Blackstar

Blackstar
David Bowie
2016
RCA/Columbia

David Bowie Blackstar

Avec l’annonce de la participation de musiciens jazz et d’une influence majeure de l’artiste hip-hop Kendrick Lamar, on était en droit de se demander à quoi allait ressembler Blackstar, dont la sortie a été programmée pour le jour des 69 ans de la star blanche. Musicien inclassable, David Bowie nous avait cependant déjà habitué à changer de style au gré des albums et des personnages dont il prenait les traits à l’apogée de sa popularité, dans les années 70. Il arrivait à ses fins en gardant le même line-up d’un album à l’autre (les deux Mick, Ronson et Woodmansey), ce qui n’était pas aisé quand on sait les conflits qui peuvent se créer au sein d’un groupe dès qu’il est question de changer d’orientation. Visionnaire sachant partager ses choix éclectiques avec ses camarades de jeu, voici un modèle qu’il faudrait donner en exemple quand on parle de recherche de tolérance et d’harmonie entre les peuples, d’autant plus que sa musique fédère tout le monde.

Intéressons-nous à cette vingt-cinquième offrande du chanteur aux multiples facettes. Le jazz, il s’épanche depuis la source liquoreuse du saxophone et s’échappe de la flûte pour rejoindre la liberté d’Herbie Mann. Quant au hip-hop, il est présent essentiellement dans le rythme lancinant et le flow halluciné des couplets de « Girl Loves Me », même si dilué dans l’univers très personnel de notre enfant d’Albion. Au demeurant, les ambiances sonnent très art-pop, entre réflectivité et rythmes chaloupés. En effet, d’une part, notons les arrêts sur image introspectifs (la bipolarité dont font preuve « Lazarus », morceau à la fois rassurant et inquiétant, et « Dollar Days », quand l’aube rencontre le crépuscule). D’autre part, sur fond de claviers au symphonisme brumeux, nous sommes invités à rejoindre les pistes de danse (le breakbeat de « Sue (Or In A Season Of Crime) », l’électro-pop d' »I Can’t Give Everything », les incursions funk dans le morceau-titre).

David Bowie

Au carrefour des musiques « noires », de l’électro et de la pop, on se retrouve ainsi dans l’univers sans limite d’un Outside, la fascination pour l’étrange et le répulsif de la vidéo de « Blackstar » appuyant ce rapprochement. En d’autres termes, voici le Bowie que l’on attendait depuis cet album aussi insondable que le titre « I’m Deranged ». L’ami anglais aime que les membres qui l’accompagnent nagent dans des eaux musicales variées, mais il apprécie également que sa voix y participe. En effet, au mysticisme implorant de « Blackstar » accompagné de chœurs hantés répond le maniérisme théatral de « ‘Tis A Pity She Was A whore », auquel viennent s’adjoindre des choeurs éthérés tout droit sortis d’un groupe vocal des années 50 type Platters, le tout sur fond de basse « gloussante »! Le temps ne semble pas avoir prise sur le timbre de la star du glam rock, peut-être est-ce lié à la consommation régulière de l’eau d’Evian, dont il louait tant les vertus à une époque !

En s’entourant de musiciens jazz peu connus du grand public et en cherchant l’inspiration chez un artiste hip-hop mondialement connu, David Bowie tourne ses compositions vers l’avenir en les revêtant de l’élégance du passé. Une étoile noire qui va nous éblouir autant qu’Outside y était parvenu en son temps : voici un album qui fera date dans la discographie pléthorique du caméléon anglais.

Lucas Biela

http://davidbowie.com/

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