Darkspace – III I

III I
Darkspace
2014
Avant Garde Music

Darkspace-III-I

L’espace, ça fait peur, depuis toujours. Et maintenant que l’Homme commence tout juste à pointer ses doigts vers le haut, c’est pas tout de suite que cette aura d’angoisse va se dissiper. Partant de ce constat, Darkspace, ça fait forcément flipper. Attendez, tout est dit, « Dark » et « Space », il vous faut quoi de plus ? Le nom du groupe fait quand même partie des plus simples (voir des plus con) jamais trouvés, à tel point qu’on ne frémisse pas d’un poil quand on le prononce, et avec cet album, Darkspace n’a jamais aussi bien porté son blase. Ce que les Suisses font, c’est vous plonger dans les ténèbres de l’espace, simple et sot. Ils ont acquis avec le temps une notoriété, et façonné un style aussi reconnaissable que la constellation de la Grande Ourse par temps dégagé. Des murs de guitares, une boite à rythme binaire volontairement synthétique, des synthés cosmiques braconnant sur les terres de la goa, des déchirements de glottes et autres marmonnements/borborygmes tout droit sortis d’un écrit de Lovecraft… Comme quoi il y a bien des entités peu recommandables par le Guide du Routard 2.0 !

Darkspace nous a emmené dans des contrés peuplés de tripodes à l’épiderme squameuse, de planètes se suivant sur un plateau de domino « Yog-Sogothien », de nuages gazeux oppressants et d’astres vivants capables d’éteindre le soleil comme on souffle une bougie d’anniversaire. Darkspace explore, il plonge dans les trous noirs, déforme, fissure, obstrue, étouffe dans son immobilisme. Et le nouveau chapitre ? Il me donne plutôt l’impression de naviguer dans un vaisseau designé par Moebius durant le pliage du temps et de la matière au bord du grand rien. C’est statique en apparence, ça gémit. C’est qu’il est désespérément vide ce vaisseau. Il n’y a que moi dedans, et ça grince. Mais c’est moi qui fait ce bruit putain ? « Dark III I », c’est le Leviathan dans le Nostromo, le seul endroit qui donne de l’air et filtre les perturbations dans le cartilage de cet âtre extra-terrestre. C’est un labyrinthe, peut-être plus encore que les précédents.

Darkspace Band

On s’y perd, on rebrousse chemin, on hésite sur l’intersection, on a froid ou chaud, les couloirs s’allongent, les portes s’ouvrent sur une impasse et se referment sur un croisement. On avance, pas après pas, on prend son pouls, on regarde sa montre bien qu’elle ne fonctionne plus, et on se réveille debout alors qu’on ferme les yeux. Infiniment plus complexe qu’il n’y paraît, Darkspace, ce n’est pas du tout venant (même pour du black metal), on tente un vague stimuli de compréhension, forcément illusoire. Certains diront que le groupe n’évolue pas (et il faut bien trouver le premier faux-pas qui n’en est pas un, c’est Imdb qui le dit alors c’est forcément vrai, hein ?), que ce qui se révèle n’est plus « neuf » ou « actuel ».

Pour ma part, la première écoute fut illogique. Comment apprécier ce qu’on découvre en comptant les stations de métro ? Aucun sens ! Nuisibles mp3 ! Difficile de n’être pas déçu. Aussi, je remarquais (entre Gare de l’est et Censier Daubenton) seulement des samples, ceux que je pouvais visualiser sur ma page Ableton 8. L’angoisse ! Mais Darkspace, c’est le caché mélangé à l’imagination. Ça te pète à la gueule sans prévenir, mais il te faut les clés pour tenter, seulement, de plonger dans le psychédélisme cosmologique-alien-vortex-noir. Et ça, ce fruit défendu, je vous l’accorde, ce n’est pas à la portée du premier venu. C’est pas pour rien que je tarde à pondre ce papelard d’ailleurs, « Dark III I » demande du temps.

Oui, le temps, ce truc qu’on cherche à gagner au lieu de le prendre ! Les repères qu’on avait eus (ou cru avoir) sur « Dark I », « II » et « III », et bien ce foutu temps les a érodés (pas les albums, je précise !), il faut désormais se les reconstruire, se les ré-approprier, même si c’est pour une heure, même une heure oui, parce que des voyages comme ceux-là, on les compte sur les doigts d’une main. Et l’espace me fait toujours peur. Alors, on sort ses écouteurs, on éteint la lumière, on enfile son casque Sennheiser, on ferme les yeux et on se tait. La musique, on l’écoute.

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://www.darkcyberspace.com/

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