Daniel Cavanagh – Monochrome
Kscope
2017
Daniel Cavanagh – Monochrome
On peut se demander pourquoi Daniel Cavanagh a choisi de sortir Monochrome, son premier album solo, maintenant, tant son groupe Anathema traverse une période dorée. Preuve en est la récompense obtenue pour The Optimist, élu album de l’année aux derniers Prog Awards. Surtout que Cavanagh a choisi de ne pas se démarquer de son combo et propose une musique qui vogue sur les mêmes flots et le même thème, à savoir le rock atmosphérique et la perte. Après tout, pourquoi pas, étant donné son habileté à trousser des morceaux prenants avec trois notes de piano. C’est donc aussi mélancolique, aussi triste que du Anathema. Mais c’est beau. Et pour l’accompagner, il fallait bien une voix féminine. C’est donc Anneke Van Giersbergen, toujours dans les bons coups, qui s’y colle sur trois morceaux. Elle n’est pas une inconnue pour Daniel Cavanagh puisqu’il y avait déjà eu un album live en 2009, In Parallel, avec des reprises et des chansons de leurs propres groupes. Alors que sort son projet metal sous le nom de Vuur, Anneke complète sa panoplie de collaborations, après Arjen Lucassen ou Devin Townsend. L’exercice est moins facile qu’il n’y parait. En effet, il y a moins d’harmonie et l’émotion repose sur sa voix et sa manière de véhiculer les sentiments. Son organe, habitué à la puissance, est utilisé de manière plus brute, rendant donc le jeu plus intéressant.
Sept titres composent Monochrome, avec beaucoup de place à la musique elle-même, construite le plus souvent sur les mêmes schémas qu’Anathema, mais sans toutefois atteindre la puissance des opus du combo. En résulte une sensation d’intimité plus accrue, ce qui justifie sans doute un album solo. Cavanagh n’a pas peur de prendre son temps, de laisser la mélancolie s’installer, de ne pas être trop présent vocalement, au risque de faire qualifier le disque de dépressif ! On se laisse emporter dans ces mélodies vaporeuses qui nous soulèvent de terre et nous plongent loin dans nos émotions. Chacun peut se projeter, se retrouver dans cette musique qui peut parfois sembler trop lyrique ou mélodramatique à certains. Mais si, comme moi, vous craquez à chaque fois que vous entendez résonner des notes au fond de vous-même, vous ne pourrez que succomber à cet album, sorte de transition entre deux sorties d’Anathema.
« The Exorcist » ouvre l’album et l’on se retrouve donc en terrain familier. Moment suspendu aux notes de piano célestes, voix en demi-teinte, guitare acoustique enchanteresse et texture sonore planante discrète, avant une poussée plus en avant de tous ces éléments. La chanson aurait pu facilement figurer sur un opus d’Anathema. Une petite beauté qui met en appétit ! « This Music » nous amène la belle voix d’Anneke, pour un duo élégant, avec un superbe solo de guitare. Sur « Soho », on pense fortement aux précédents morceaux d’Anathema tant il y a des similitudes. C’est un peu dommage, mais… c’est tellement réussi ! L’album ayant été enregistré fin 2015, ceci explique peut-être cela. La puissance émotionnelle emporte tout, et c’est ce qui compte. Point d’orgue de l’opus, la pièce quasi instrumentale « The Silent Flight Of The Raven Winged Hours », aussi longue que son titre (9:00) inspiré par Poe, montre une facette plus axée sur le travail d’une ambiance cinématographique dans laquelle on s’installe et que l’on ressent. Pas forcément facile d’accès, il faut savoir se poser et écouter toutes les subtilités qui s’y cachent. Le titre qui le suit, « Dawn » est plus solaire avec son jeu de guitare typiquement anathemien, auquel se superpose le sublime violon d’Anna Phoebe. « Oceans Of Time », plus feutré, est une ballade magnifique. Plus surprenant, « Some Dreams Come True », en clôture, est une pièce instrumentale plus légère, ouvrant sur la clarté, comme une brise qui vous caresse doucement, et qui vous montre la beauté du monde. Yeux ouverts sur l’horizon, pieds ancrés dans le sol, vous êtes bien.
Même si Monochrome ne révolutionne rien, le plaisir de retrouver l’intensité des émotions dans cette musique planante et prenante est intact. Daniel Cavanagh réussit à proposer un album solo à la fois proche et éloigné d’Anathema, notamment dans les pièces atmosphériques instrumentales, qui ne triche pas et ne sent pas l’opportunisme. Bref, aucun risque, si vous aimez déjà Anathema, vous adorerez vous plonger dans cet univers.
Fred Natuzzi
Excellent album mantra, avec 5 notes de piano Daniel Cavanagh nous envoûte littéralement, et malgré la filiation évidente avec Anathema, on est assez loin de The Optimist. Je me demande si je préfère pas Monochrome tout compte fait. Et puis la voie d’ Anneke, échappée de Vuur, vient sublimer ce bel album solo.