Cult Of Luna – A Dawn To Fear

A Dawn To Fear
Cult Of Luna
Metal Balde Records
2019
Jéré Mignon

Cult Of Luna – A Dawn To Fear

Cult Of Luna A Dawn To Fear

Cult Of Luna revient de loin. De si loin que ma première expérience auditive m’a littéralement aspiré dans cet univers froid et mélodique mais non moins gorgé d’une rage gueulée à la face du monde, néanmoins contrebalancée, sans une certaine classe, avec ces plans shoegaze et post-rock (depuis Salvation, premier coup de boule de votre serviteur). L’atmosphère s’immisçant dans un substrat post-hardcore n’ayant rien à envier à Neurosis ou Isis (héritage dont le groupe s’est affranchi depuis) avait de quoi donner des frissons à des endroits sensibles. C’est ce qui m’a toujours plu chez les suédois. Confondre la rage avec la douceur, la lourdeur avec l’éthéré et créer un univers propre facilement reconnaissable que je côtoie maintenant depuis plus de quinze ans.

Oui, Cult Of Luna revient de loin. Après la sortie de Vertikal, le groupe a perdu un de ses guitaristes et son claviériste, sans prévenir. Le combo a du faire avec. Puis vint l’étincelle. Mariner, parenthèse désenchantée, avec Julie Christmas, qui, pour l’auteur de ces quelques lignes, reste l’une des plus belles incarnations du groupe. Sans Mariner il n’y aurait sans doute pas eu de A Dawn To Fear. Alors, on se réjouit ! Mariner est beau. Mariner est profond. Mariner donne des frissons à chaque écoute. Et si cet album n’avait pas vu le jour jamais Cult Of Luna n’aurait pu retrouver cette fibre créative et accoucher de ce mastodonte ici-présent. Maintenant parlons-en…

Cult Of Luna A Dawn To Fear band 1

Après l’élévation (cosmique ?) de Mariner vient le retour sur une Terre mortifère. Fin de la civilisation ? Peurs rationnelles, ou pas, dans un surplus d’informations débilitantes ? Ce nouvel album des suédois est un cri, celui de l’inquiétude et de la perte dans un climat toujours autant contemplatif, qui envoie des impulsions électriques aléatoires aux systèmes nerveux. Si les interventions électroniques qui avaient donné une marque à Vertikal (bien plus expérimental qu’il n’y paraît) sont bien plus discrètes, il ne faut pas voir dans A Dawn To Fear un rétropédalage post-metal, genre qui s’est embourbé avec le temps. Mais Cult Of Luna justement… Je ne le classifie pas vraiment dans le post-metal… Je ne le catalogue pas du tout d’ailleurs… Sans thématique particulière (une première depuis le premier album éponyme), les suédois retrouvent ici une cohésion bénéfique et minérale qui permet à ces riffs écrasants d’occuper l’espace et de laisser le temps d’exister (les presque 80 minutes de l’album en atteste). Mais ce qui ressort le plus, c’est l’impact, moins intellectualisé peut-être mais viscéral au possible. Un album de Cult Of Luna demande un investissement, probablement long mais gratifiant, comme l’ensemble de sa discographie. A Dawn To Fear m’a laissé autant sur ma faim sur les premières écoutes, malgré sa durée conséquente, qu’il s’est ouvert par la suite comme une fleur après une nuit humide. Si on n’est plus dans la vision labyrinthique de gratte-ciels et du vertige architectural, on navigue dans des émotions connues mais prenant un chemin retors qui explose littéralement à la face. C’est comme observer un incendie de forêt, grand, impétueux et destructeur mais aussi beau, lumineux et hypnotique. Aussi profond soit la descente on y trouvera des trésors. En vrac : mélodies shoegaze atmosphériques, jeux rythmiques entre les deux batteries, la voix de Johannes Persson, rageuse et émotionnelle, pilonnant l’ensemble dans un mantra acerbe coupé, ici et là, par ces voix claires et plaintives, quasi susurrées.

A Dawn To Fear est fort (au sens massif), parfaitement construit, cohérent comme l’est son évolution avec Mariner. Un retour au source, ni anodin ou complaisant, où les éléments se mélangent avec l’effet gazeux que pouvait procurer le précédent effort. Sauf que là, Cult Of Luna joue des reliefs et du ressenti. Pas de lignes de fuites mais des traversées de clairières pourfendues par des courses dans un ralenti toujours aussi accablé, quasi romantique. L’Homme face aux éléments. Mais jamais ce dernier ne se relâche ou s’accable. Il fait face et essaye toujours de lever la tête le plus noblement possible. Il baisse peut-être un genou au sol mais c’est plus pour s’acharner. Acharner… Un terme qui convient parfaitement aux suédois. Peu importe les modes, la vitesse de dispersion, l’attente, Cult Of Luna, lui, a pris le temps de créer A Dawn To Fear et prend tout aussi le temps de laisser à l’auditeur ce qu’il offre. De l’orfèvrerie presque. Parce qu’il n’y a, pour ainsi dire, rien à jeter. Chaque accent mélodique est à sa place, chaque explosion, silence, apnée, montée progressive s’y fait avec finesse, non pas d’une manière mathématique mais dans l’émotion, brute, de la poussée d’une brise caressante à l’ouragan passionnel qui s’ensuit. Et putain que c’est fort… Et tout aussi beau. Ces instants de suspensions, palpables à frôler les doigts, ces brusques poussées qui retombent après une pluie soudaine et cette tension se maintenant sans férir avant « l’avènement ». Celui de « The Fall », final volcanique où chaos et mélodies se confondent, rappelant le chef-d’œuvre Somewhere Along The Highway.

Cult Of Luna A Dawn To Fear band 2

Et maintenant ? Et si Cult Of Luna avait livré un coup de maître ? Comme ça, sans promotion, sans rien dire, pouf… Au sein de ces riffs colossaux, des ces envolées humides et ouatées, de ces rythmiques coordonnées et marteleuses, de sa rage, intacte, qui ne donne pas juste envie de tout casser mais de se relever et d’affronter une sentence. We Fall ! hurle Johannes Persson. Oui, peut-être… Mais il serait sans doute temps de voir dans cette acclamation hurlante une façon de se redresser et d’affronter la vie.

https://www.cultofluna.com/

 

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