Concert David Walters 31 Mai 2023 à La Cigale
2023
Delphine Lucas & Franck Houdy
Concert David Walters 31 Mai 2023 à La Cigale
Une fois n’est pas coutume, Clair et Obscur prend la tangente en dehors de ses sentiers balisés pour vous inviter à revivre le concert de David Walters. Il n’est nullement question ici de rock progressif ou de musique ambient au sens où vous l’entendez, mais de musique « ambianceuse », oh que oui, et plutôt deux fois qu’une ! David Walters impose depuis quelques années son univers musical afro groove aux teintes tropicales. Après un fantastique 4ème album Soleil Kréyol et son projet Nocturne avec Vincent Segal, Ballaké Sissoko et Roger Raspail, il nous offre cette année Soul Tropical, dans lequel il explore plus avant ses influences Soul.
Ce 31 mai, une Cigale bondée et chaude comme la braise l’attend de pied ferme pour chalouper sur ses rythmes enlevés à la joie communicative. Dès les premières notes de « Mama » chacun.e entre dans la danse et reprend, sourire aux lèvres, le refrain de ce beau texte hommage à « la femme afro-caribéenne, la femme puissante, combattante, qui surmonte les difficultés sans jamais être victime »*, et qui célèbre les femmes de sa famille. À commencer par sa mère et sa grand-mère Ti-Jeanne, qu’il a d’ailleurs invitée à chanter à la fin du titre sur sa version studio. Nous apprendrons plus tard dans la soirée que ce premier morceau aura résonné d’une teinte toute particulière pour l’artiste, en cette soirée anniversaire.
Accompagné de deux musiciens de talent, Pierre Vadon aux claviers et Alex Lefko à la batterie, et de deux choristes aux timbres magnifiquement assortis, Soanna et A\O, David Walters offre à son public énergie et émotion, sur des textes qui portent haut la beauté de la langue et la culture créoles. Aucun temps mort n’est permis au fil d’un concert débordant de vie. Chaque chanson est un hymne à la joie et au plaisir de danser. Impossible de rester insensible à la chaleur des Caraïbes qui se propage dans cette Cigale sold out. La gaieté et le plaisir de faire vibrer son public aux sons d’un métissage musical flamboyant n’empêchent cependant pas David Walters de délivrer des textes engagés, tels « Di Yo » où il revient sur les mouvements sociaux qui ont secoué la Martinique et la Guadeloupe en novembre 2021 (titre interprété en duo avec Flavia Coelho sur Soul Tropical) ; ou encore « Toxic Tropic » en référence au procès du chlordécone, pesticide ayant provoqué une pollution massive dans les plantations de bananes aux Antilles. Il n’en reste pas moins que la salle bat au rythme des danses, des rires, des baisers échangés. C’est un public heureux de s’enjailler sur cette setlist de chansons lumineuses et faites pour bouger.
Si l’on s’étonne au début du concert du choix de ne pas avoir de bassiste sur scène, le regret est malgré tout vite oublié tant les lignes de claviers de Pierre Vadon enveloppent l’espace. Évoquant tantôt la funk seventies, tantôt la Soul Motown ou californienne sans se départir d’accents propres à la musique caribéenne, on se laisse totalement emmener. À la batterie, puissance et souplesse sont à l’œuvre, Alex Lefko déploie toute sa palette de couleurs pendant que David Walters parsème et superpose, deçà delà, quelques séquences électros, notes de guitare, conga et bongos. David déroule ses chansons tubesques sans en avoir l’air et la soirée s’échauffe sans jamais tiédir. D’un « Gimme Love » à un « Kryé Mwen » en passant par un « Vancé » et un « Soul Tropical », il a la recette pour tenir en haleine et faire saliver sans discontinuer. Nos temps forts : « Manyé », un titre imparable dont la rythmique massue fait basculer toute la salle dans la liesse en une poignée de secondes, « Mesi Bon Dyé », un remarquable moment de proximité et « Fo Bouger », un final explosif avec un Walters officiant tel un chef d’orchestre des corps.
Cette date revêt un goût de célébration pour l’artiste. Il fête ce soir-là son anniversaire qui s’avère être aussi désormais le jour anniversaire du décès de sa maman partie deux ans plus tôt, comme il nous le confie en fin de concert. Ses émotions intimes et celles plus collectives de l’accueil bouillant que lui réserve son public venu nombreux s’entremêlent et son visage s’illumine de sourires, de surprises et de reconnaissance. On se dit alors que ce rendez-vous est un jour à marquer d’une pierre blanche dans son parcours artistique et personnel. Tant et si bien qu’il ressent le besoin de faire communion en entonnant a capella, au milieu du public, sa version de « Mesi Bon Dyé », prière écrite par le guitariste Haïtien Frantz Casseus en 1954. David Walters et sa team enchaînent les festivals cet été, si vous êtes dans les parages, vous aurez compris que nous vous conseillons vivement d’en être.
* ITW de David Walters par Pan African Music à retrouver sur le site de l’artiste https://pan-african-music.com/david-walters-mama/