Citizen Cope – Rainwater
RainWater Recordings Inc
2010
General Eclectic
Citizen Cope – Rainwater
Clarence Greenwood alias Citizen Cope, n’est pas facile à classer. Il mélange les genres avec brio et brouille les pistes de ceux qui cherchent à lui coller une étiquette musicale. C’est peut-être me direz-vous parce qu’il a des racines à Memphis, dans le Mississippi, au Texas, à Washington et maintenant à Brooklyn ? Oui sans doute, mais revenons un peu en arrière. Citizen Cope (pseudonyme venant de son surnom « Cope » diminutif de son deuxième nom Copeland durant sa jeunesse) a fait ses débuts avec un album éponyme en 2002, suivi de Clarence Greenwood Recordings deux ans plus tard, dans lequel il a produit les chansons « Son’s Gonna Rise », « Bullet And A Target » et « Sideways » ses plus gros succès (surtout aux USA) avec, excusez du peu, Carlos Santana à la guitare.
En 2010, Clarence Greenwood entre de plain-pied dans le monde de l’indie et claque la porte aux grandes majors (Capitol, Arista, DreamWorks et RCA) en créant son propre label Rainwater Recordings qui donnera son nom à ce quatrième album Rainwater. Lorsqu’on lui demande pourquoi il s’est décidé à voler de ses propres ailes, le citoyen Greenwood n’hésite pas à répondre : « Je ne veux plus être soumis à ces contraintes. Je veux pouvoir le faire à ma façon » et on veut bien le croire ! Notre électron désormais libre produit donc entièrement cet opus assez court (10 morceaux + bonus) mais bien ficelé et empaqueté dans un mélange de soul, reggae et groove bien délectable malgré une certaine mélancolie générale que certains pourraient ne pas apprécier.
Certes, il n’a pas inventé l’eau chaude, mais cette quatrième galette, aborde un monde urbain désenchanté avec une plus grande maturité et un son maitrisé grâce à son bagage de DJ et d’ancien rappeur. Il s’entoure d’ailleurs d’excellents musiciens issus majoritairement du monde de la Soul comme le batteur Paul « Buggy » Edwards, les excellents bassistes Michael « Funky Ned » Neal et Preston Crump, le claviériste James Poyser (bien connu pour travailler avec The Roots, John Legend ou Erykah Badu) et le percussionniste Bashiri Johnson. Que du beau monde donc pour ouvrir le bal avec la chanson « Keep Askin’ » ballade désabusée qui pose plus de questions que son groove lent et attachant ne donne de réponse. Une guitare acoustique sobre, une batterie simple et un piano froid donnent le ton. L’hypnotique « Healing Hands » suit pour assouvir notre envie d’en savoir plus. Le morceau est sans nul doute le plus connu de l’album et débute uniquement avec la voix rauque de Greenwood et sa guitare, puis entre en scène le couple basse-batterie puissant, bien caractéristique du groove de Greenwood qui vient tempérer avec bonheur l’atmosphère plutôt sombre de la chanson. Les paroles de « Healing Hands » mettent d’ailleurs l’accent sur le côté obscur du monde et le pouvoir de guérison des liens humains. On sent que les revendications sociales ne sont pas loin. Le refrain au rythme légèrement en contretemps donne un arrière-gout reggae qui renforce cette sensation. On retrouve ce contretemps chaloupé sur la ballade sombre et superbe qui suit « I Couldn’t Explain Why ». Là encore plus de questions que de réponses, et il en appelle même aux cieux « Toutes ces réponses/ Que seul le ciel sait ».
« Lifeline » ouvre alors la voie à un spleen, déjà anticipé par les chansons précédentes, avec une guitare acoustique en sol mineur et un piano laconique, pour s’attaquer aux injustices sociales : « Les enfants meurent toujours dans la rue / Les bébés vivent toujours avec la maladie / Les flics ont des armes, les pauvres ont des enfants ». Le sentiment d’authenticité est bien là, même si parfois cela semble un peu simpliste, la qualité des musiciens et des arrangements faisant largement oublier ce défaut. Avec sa voix rauque et nasillarde, quelquefois à la limite de la plainte, Citizen Cope se permet de flirter avec les mélodies désenchantées sans jamais tomber dans la chanson glauque des dimanches de pluie, grâce à un tempérament et une ligne de basse-batterie bien fournis comme en témoigne l’incroyable « Father’s Son » qui donne une envie irrépréhensible d’augmenter les watts et de faire vibrer les cloisons en placo du voisin.
Laconique, presque en apesanteur dans une soul éclectique, notre Cope a trouvé une façon d’exprimer ses sentiments authentiques et de dénoncer ce qui lui semble injuste. Quand on lui demande quel genre de musique il fait, Greenwood répond simplement « Je ne sais pas. C’est ce que c’est: des refrains, des couplets, des mélodies. Ce ne sont que des chansons tout ce qu’il y a de plus traditionnelles ». Dans un monde où la nuance semble être une espèce en voie d’extinction, ses compositions sont d’une grande vitalité qui contraste avec sa vision sombre de la société qu’il dépeint grâce à des sentences simples, mais efficaces comme sur la chanson « Lifeline » : « Si vous cherchez des temps difficiles / Les temps difficiles ne sont pas difficiles à trouver ». Est-ce un hasard si « Cope » en anglais est le verbe qui signifie se débrouiller ou s’en sortir ? Le mystère reste entier (avec encore davantage de questions que de réponses…)
Source interview : https://www.masterdynamic.com/blogs/the-dynamic/national-poetry-month-a-conversation-with-citizen-cope?view=legacy