Christophe Lebled – Tribute To Vangelis
Christophe Lebled
Vox Terrae
Il y a plusieurs manières d’aborder la réalisation souvent risquée de l’album « tribute ». L’une d’entre elles consiste à cloner littéralement le matériel original, que ce soit en termes de recréation sonore ou d’expression musicale. Cela ne présente donc aucune forme d’intérêt artistique et d’ailleurs, la plupart du temps, cette démarche s’avère purement mercantile (on se rappellera des compilations à succès « Synthétiseurs : les plus grands thèmes » sorties à la fin des années 80, à grand renfort de stickers « Pub TV »). A l’opposé, il y a la reprise à ce point retravaillée, transformée et réarrangée à la sauce de son nouvel interprète, qu’on en arriverait presque à oublier l’œuvre originale. Cette démarche, déjà beaucoup plus intéressante, peut produire le meilleur et le pire, les exemples ne manquent pas. Je dirais que la démarche de Christophe Lebled, musicien français accompli qui a composé génériques et bandes originales de nombreux documentaires pour la télévision et la radio, se situe quelque-part entre ces deux approches pour ce qui concerne son premier « Tribute To Vangelis » qui nous intéresse ici.
Sa passion pour le génial poly-instrumentiste grec (qu’on ne présente plus) remonte aux années 80, quand il découvre un peu par hasard quelques albums du maître en farfouillant dans les bacs d’un disquaire. La révélation sera immédiate, et l’œuvre de Vangelis marquera par la suite son propre travail, celui-là même qui parviendra un beau jour aux oreilles conquises d’un certain Jon Anderson. L’homme à la voix de cristal proposera alors à un Christophe honoré de collaborer avec lui pour une série d’arrangements (par exemple sur son album solo « Survival & Other Stories » paru en 2010), puis pour quelques reprises du répertoire de Jon & Vangelis. N’oublions pas enfin cette version chantée du fameux thème d’ouverture des « Chariots De Feu », enregistrée pour les besoins des derniers Jeux Olympiques de Londres. Ce sera pour Christophe Lebled l’élément déclencheur de la mise en chantier de ce « Tribute To Vangelis » fort réussi, et à la conception remarquable de sensibilité, de sens esthétique et d’intelligence.
Durant la gestation du projet, le musicien s’amuse à réinterpréter quelques titres choisis d’un répertoire gigantesque dans tous les sens du terme, en s’approchant au plus près des versions originales, jusqu’à la texture même des sons si caractéristiques du compositeur hélène. Deuxième étape, il s’agira pour Christophe de se réapproprier toute cette matière matricielle pour en forger sa propre vision, avec sa propre patte et fibre émotionnelles. Et l’essai est plus que transformé dès ce premier volet (car il y en aura un autre !), qui reprend pas moins de dix thèmes plus ou moins célèbres, et une petite rareté avec celui, jamais édité, du « Sauvage Et Beau » de Frédéric Rossif.
Parmi les grandes réussites du CD, je citerai en premier lieu le « Bounty (Closing Theme ») », qui ajoute une petite touche « ethnique » et world music fort bienvenue à la version d’origine. Mention spéciale également à « Alpha », qui aurait presque pu s’intégrer en l’état au beau milieu de l’inoubliable voyage cosmique incarné par le « The Songs Of Distant Earth » de Mike Oldfield, avec ses chœurs célestes étirés à l’extrême, son dowmtempo enivrant et ses multiples effets stimulant l’imaginaire. Idem pour cette douce et chaleureuse version de « Pusltar », issue du même « Albedo 0.39 », bien plus planante et « moderne » que son illustre modèle, mais qui arrive à en conserver toute la dimension conceptuelle, science-fictionnelle et hypnotique.
Je placerai pour ma part les seuls bémols sur « The Tao Of Love », perle délicate qui perd au passage beaucoup de son charme et toute sa poésie (mais était-il seulement possible de faire mieux ?), ainsi que sur le fleuve « Pinta Nina Santa Maria », une cover certes pas complètement ratée, mais qui navigue bien loin de la puissance évocatrice et de la sensation d’infini dégagée par l’incroyable version clôturant le soundtrack du « 1492 Conquest Of Paradise », signé Ridley Scott.
En conclusion, nous avons affaire ici à un album tribute sincère et abouti, magnifiquement produit, qui a le double mérite de nous immerger dans de jolies versions alternatives de thèmes mélodiques passés à la postérité et de nous faire découvrir tout le talent d’un auteur du nom de Christophe Lebled (tout du moins pour ceux qui ne connaissent pas « About Us », son premier ouvrage solo datant de 2007). On en attend le « Tribute To Vangelis : Volume 2 » prévu pour fin 2014 qu’avec plus d’impatience, avec très certainement la participation du chanteur historique de… Yes !
Philippe Vallin (7,5/10)