Chris Watson – El Tren Fantasma
Chris Watson
Touch Music
Chris Watson, dont j’ai déjà parlé dernièrement sur l’album « Number One », est avant tout un orfèvre du field recordings. Ayant fait auparavant ses armes sur le projet industriel Cabaret Voltaire, ce dernier décide de quitter le navire pour se consacrer à se qu’on pourrait plus ou moins appeler une topographie sonore de l’environnement naturel. Muni de microphones, Watson capte les sons. Cris et chants d’oiseaux, feulements et autres grognements, vent, cours d’eau, geysers etc… Un travail d’équilibriste (sans effet rajouté) qui évite le catalogage et l’empilement pour une recherche du ressenti transportant l’auditeur dans ses environnements. « El Tren Fantasma » est le dernier album studio de l’artiste. L’emplacement, le Mexique, mais plus précisément sa voie de chemin de fer allant de Los Mochis jusqu’à Veracruz, joignant l’océan Pacifique à l’océan Atlantique.
« El Tren Fantasma » n’est pas qu’un album de field recordings, c’est un voyage initiatique. C’est un but parcouru dans des contrées à mi-chemin entre l’état sauvage et la civilisation, dont la ligne directrice est le son des rails traversé qui prendra la forme d’un drone mécanique, tactile et juste. L’univers ferroviaire est synonyme de voyage physique et intérieur, et pendant cette heure de traversée symbolique, Chris Watson nous plongera dans un train vide de passager, fenêtre mouvante sur un milieu plus fantasmagorique que naturaliste. Et si le premier titre nous met déjà dans une ambiance faite de crissements, de tôles et autres mouvements mécaniques pesants et usés, une voix se fait entendre nous invitant au voyage. « El Tren Fantasma » est une invitation, chaque étape étant une contemplation sonore : volailles dans une basse-cour, mouches se repaissant d’une carcasse au soleil, paysages défilant au rythme de la sirène de la locomotive, fracas du train stoppant en gare, chants d’oiseaux au petit matin avant qu’un soleil de plomb se lève. Porté par un mixage serré et précis où de délicats effets font apparition, cette traversée ferroviaire se transforme à certains moments en de véritables instants oniriques tel « El Divisader », glissant progressivement dans une pulsation hypnotique, mélange rythmique se superposant et se fondant ensemble.
Proche de la musique concrète (l’album est inspiré de Pierre Schaeffer), « El Tren Fantasma » est un album rare, intense, qui s’écoute à plein volume. Jamais n’aura t-on cette impression de sentir la vapeur du train nous effleurer le visage, cette sensation de toucher du métal froid, de sentir le vent balayé le visage, la tête passée en dehors de la fenêtre. Le field recording ne fait pas que de capter les sons environnants, il les transcendent dans un déplacement de ressenti. Chris Watson le prouve, le son est musique.
Jérémy Urbain (8,5/10)
Site web : http://www.chriswatson.net/
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