Cholo Visceral – Cholo Visceral

Cholo Visceral
Cholo Visceral
2013
Tóxiko Records/GOD records

Cholo Visceral

Il y a parfois de belles surprises musicales qui surgissent de nulle-part, des coups de cœurs aussi immédiats qu’effervescents et Cholo Visceral, joyeux bazar animé par une folie furieuse en mode « vintage », est de ceux-là en ce qui me concerne ! Mais de quoi retourne-t-il ici exactement ? Ce groupe mystérieux à l’album éponyme datant de 2013 nous vient tout droit de Lima au Perou, où sévit une scène underground en pleine ébullition, très portée sur un « revival » festif des glorieuses années psychédéliques. La musique de ce combo haut en couleurs trouve en effet ses racines dans le jazz électrique de Miles Davis, le rock barré de Zappa ou de Captain Beefheart, voire le krautrock allumé et jazzy des Can, Dzyan et autres Embryo. Mais nous verrons que les influences de Cholo Visceral ne se limitent pas à cela, et que le fabuleux cocktail qu’il nous propose ici s’avère encore plus éclectique et explosif ! Formé par une bande de jeunes instrumentistes dont l’âge n’excède pas 25 printemps, Cholo Visceral nous propose sur son premier LP de courte durée (calibrée pour le vinyle, comme à la grande époque !) six compositions possédées et alambiquées à souhait, à travers lesquelles souffle un vent de fureur et de liberté, dans un esprit très « live ». Ne vous attendez surtout pas à une production « clinquante », la sensation de bordel est ici pleinement assumée, et c’est aussi le fond qui prime sur la forme, avec une patte sonore et stylistique bien ancrée dans le début des années 70.

La galette s’ouvre sur le jouissif « Ratazza » et sa ligne de basse imparable signée Manuel Villavicencio, un morceau qui ressemble à une jam énervée entre le King Crimson des débuts (« 21st Century Schizoid Man » n’est pas loin), Led Zeppelin (pour le côté hard-rock et la vitesse d’exécution ahurissante) et le Funkadelic de George Clinton (pour les passages groovy sous acides). Si l’album est entièrement instrumental, vous verrez qu’ici, malgré tout, il n’y a pas que les guitares de Kevin Lara et Arturo Quispe qui hurlent, au sens littéral du terme ! « Menú De 4 » ne dépareille pas avec son prédécesseur, à ceci près que la Planète Gong première période s’invite ici au menu, avec le saxophone de Max Vega évoquant celui du Didier Malherbe d’antan, sans oublier les bruitages électroniques traficotés et autres superbes effets de glissando planants générés par l’excellent Nagel Diaz (A.k.a Dj Aeon), quasi-omniprésent sur l’album. Quelques riffs et rythmiques plus « lourdes » empruntés au bon vieux stoner, autre genre de prédilection du collectif, font également leur apparition.

Après la pause incarnée par « Silvia Escarmiento », sorte d’escapade « cosmico-guitaristique » tour à tour électrique et acoustique (proche d’Ash Ra Tempel), on replonge avec bonheur dans un jubilatoire magma psychédélique avec « Kión », titre qui jongle en permanence avec la rage et l’apaisement. Pour l’anecdote, le morceau est introduit par l’indicatif de la MGM, celui-là même utilisé en prélude à l’étrange générique de « Forbidden Planet », film de SF visionnaire des années 50 qui a fondé à la fois ma cinéphilie et ma mélomanie, mais ceci est une autre histoire ! (Il n’empêche que ce clin d’œil à mon film culte n’est pas pour me déplaire !). Martèlements rythmiques incantatoires du batteur Joao Orosco, parties de guitares enchevêtrées et hyper vitaminées, nappes évanescentes et sax en apesanteur font de ce titre un petit chef d’œuvre de space-rock comme on n’en fait plus !

Enfin, on termine notre tour d’horizon avec le bien nommé « Luzbel : El Pasaje Infernal », pièce de résistance et morceau de bravoure de cette galette d’un autre temps, avec en « guest » le violon d’Armando Córdova qui vient s’insérer en soliste dans la riche palette sonore de cette épique conclusion ne laissant nul répit à l’auditeur. Ajoutons à tout cela un artwork mystique et païen à souhait, directement inspiré de la culture locale (on pense ici aux illustrations des albums du Méxicain Jorge Reyes, grand spécialiste de la musique ethnique pré-colombienne), et on obtient à l’arrivée une petite bombe collector qui devrait faire le bonheur des fans d’Acid Mothers Temple et consorts.

Attention, le micro pressage CD de Cholo Visceral est déjà épuisé, et l’objet n’est désormais disponible qu’au format vinyle, fraichement réédité par le label Grec GOD Records. Complètement underground je vous dis !

Philippe Vallin (8/10)

http://cholovisceral.bandcamp.com/album/cholo-visceral

http://www.godrecords.blogspot.gr/

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