Celluloide – Words Once Said
Boredom Product
2004
C’est une banalité bien connue, mais pourtant bien réelle, que de dire que le deuxième album est souvent le plus difficile à réussir pour tout groupe, vu que celui-ci a mis tous ses moyens à parachever le premier pour se lancer, jusqu’à utiliser, peut-être, toutes ses cartouches. Il faut croire que Celluloide ignorait totalement ce concept, car après un premier Naive Heart remarquable dans plusieurs sens du terme, voici qu’il se transcendait dans ce Words Once Said de toute beauté. Il faut réellement saluer l’exploit, étant entendu que Naive Heart n’a rien eu d’un premier opus malhabile né d’une formation hésitante en mal d’un début de reconnaissance. Non, c’était du solide, et doublé en prime d’un album parallèle reprenant les mêmes titres, mais dans une version plus expérimentale. Oui, Naive Heart, c’est du lourd, là, tout de suite, dès le départ. Comment ne pas décevoir après ça ? Visiblement en ne se posant pas ce genre d’interrogation superflue et en fonçant tête baissée droit devant. Et le résultat en fut une collection de douze nouveaux titres aux mélodies parfaites, aux atmosphères délicieusement mélancoliques et aux arrangements flirtant tour à tour avec le subtil, le complexe ou le tonique.
En vérité, plus j’écoute ce Words Once Said, plus j’en suis addict. Il est comme ces oignons qui plus on les pèle, plus ils révèlent la puissance de leur saveur. Le problème, appelons ça plutôt la beauté de la chose, est que les douze titres sont très différents, apportant à l’oreille et à l’âme des plaisirs et des sentiments à chaque fois renouvelés. C’est costaud de pouvoir densifier un album de cette manière-là, sans remplissage, sans fausse note, juste avec des titres qui ressemblent tous à des tubes en puissance. Et c’est encore plus fort de l’accomplir après un premier album sublime et en se permettant même d’améliorer la qualité de la production d’un opus à l’autre. De fait, c’est ça Celluloide, une volonté permanente de perfection. Et vous pouvez écouter tous leurs albums, du premier au dernier, rien n’est à jeter, rien n’est à changer, tout est comme il se doit et à sa place. Sacrément balèze de la part d’un groupe qui n’avait rien de si singulier lors de sa constitution, au moins en apparence, qui est souvent trompeuse.
Il m’a donc fallu plusieurs écoutes avant de bien me synchroniser avec « Synchronise », le seul titre chanté en français de l’album, ou de me faire aux méandres harmoniques des autres morceaux. Tant mieux. Cela prouve la richesse des compositions de Member-U0176 et de Patryck Holdwem. Elles ne s’affadissent pas au fil des auditions, bien au contraire. C’est une crainte qu’on pourrait légitiment formuler à l’égard d’une formation utilisant massivement les synthés et les boîtes à rythmes : que chaque titre sonne comme le précédent. Mais voilà, les synthés ne font rien à l’affaire, l’important c’est comment on s’en sert. Et Celluloide les utilisent en virtuoses, avec intelligence, sensibilité et finesse. Et là je n’ai pas encore mentionné la voix de Darkleti et ses intonations si particulières, à la fois calculées, tempérées et pétries d’émotions. Celluloide est une alchimie aussi efficace que pleine de savoureux mystères. Et Words Once Said a montré que le trio avait d’évidence moult talent sous le pied et qu’il était là pour rester et pour aller loin, ce qu’il a fait, ô combien merveilleusement! pour le plus grand bonheur des amateurs d’electro pop à la française.
Frédéric Gerchambeau
https://www.facebook.com/celluloidemusic
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