Caspian – Waking Season
Caspian
Triple Crown Records
Quelque part, Caspian a répondu à une devinette. Celle que se posent désormais grand nombre d’amateur de bon goût quand il est question de bon goût justement, celle du post-rock et de ses dérives. Franchement, qui se soucie de ce style (mort-né) permettant à une flopée de « mélomanes » de voir autre chose que du prog ou du metal ou du… Du quoi finalement ? Une question épineuse évidemment, les milieux étant si hermétiques, post-rock compris. Sans rentrer dans la description d’album stérile, le dernier album de Caspian répond à une question Fondamentale, avec majuscule ! L’émotion, ce trouble passager provoqué par, je ne sais pas, la joie, la tristesse ou la peur, est-ce pour sentir tout le malheur du monde sur ses épaules, ou pour relever la tête avec dignité ? À celle-là, je réponds simplement, croquer la vie en faisant face contre vents et marées pestilentielles. Là où d’autres se plaignent en crachant de grands « Que je suis malheureux ! Mais j’ai quand même la classe mon gars ! », d’autres prennent le désespoir, la mélancolie, à pleine mains, et le façonnent en des fresques sonores épiques.
Ils font ressentir les aléas de la vie, mais en génèrent leur force, et non ce gimmick outrancier, démesuré, et très souvent vide. Ils la transfigurent, en font une fermeté émotionnelle, au lieu de la transformer en argument marketing pédant dont le slogan serait un tonitruant (bien que mou), « Ouin !! » sur fond de notes de verre cinématographiques dans un beau panoramique 16/9. Ils savent jouer de ces mélodies de cristal pour toucher les cœurs les plus endurcis, transpercer les carapaces de cynisme inhérent à la condition humaine, et faire palper l’émoi le plus simple. Ces mêmes émotions qui font que, malgré une détresse jusqu’au-boutiste, tête dans les chiottes, l’être humain relève la face et se retrouve continuellement prêt à affronter l’existence sans se compromettre, et pourtant, les moyens pour atteindre ce stade ne manquent pas. Caspian, c’est de la grisaille, des larmes, des soupirs, des souffrances qui deviennent une force se muant progressivement, naturellement, en une rage qui percute et détruit les murs, qui te fait crier « J’existe, bordel ! ».
Caspian renoue avec l’expression de sentiments si simples qu’on n’ose à peine les prononcer, des lignes claires, des guitares qui se permettent une teinte plus graisseuse et une profonde envie de fermer les yeux. Certains diront que ça ne fait pas avancer le schmilblick. Hé ho, sors de ta chambre Dude ! Le post-rock a atteint sa maturité dans sa fécondation. Il était déjà son accomplissement. Caspian n’invente certes rien, mais remet le genre là où il doit être. Le No Future dans le silence, la transcendance dans l’instrumentation. Et vous savez quoi ? « Waking Season » répond à ces attentes, sans projos, sans esprit « m’as-tu vu », sans du trop, tout simplement. Et c’est en cela qu’il est vital. Je crois bien que j’ai ma réponse.
Jérémy Urbain (8,5/10)