Bruce Soord with Jonas Renske – Wisdom Of Crowds
Bruce Soord with Jonas Renske
Kscope
Quand le leader de Pineapple Thief, Bruce Soord, convoque le vocaliste du groupe suédois Katatonia, Jonas Renske, que se passe-t-il ? Une collaboration progressive ? Un métal atypique ? Un rock planant ? Eh bien non, rien de tout ça. L’album possède une magie originale qui repose sur une alchimie entre ces deux musiciens qui fonctionne admirablement. Bruce Soord a tout écrit tout seul (aidé quand même par Johnny Wilks), en pensant à Jonas Renske comme chanteur, et a composé des pièces de toutes beautés, à la fois simples et complexes, tranquilles et agitées, loin des stéréotypes habituels, en expérimentant sur les sons. L’album commence superbement par « Pleasure » avec sa guitare typée post-rock, avant que l’électro ne gagne le terrain. La voix de Jonas Renkse, assurée mais mélancolique, fait merveille, très à l’aise dans ce registre. L’ensemble est surprenant de richesse, passant de subtiles touches musicales au piano, à la guitare acoustique, avant un solo de guitare typique de Pineapple Thief. « Pleasure » est un sommet.
On enchaine avec « Wisdom of Crowds », formidable mid tempo à base de synthé électro, arrondi par une basse chaude, et toujours un splendide solo de guitare. « Radiostar » est plus menaçant et ressemble à un fantôme lointain d’un Depeche Mode aventureux. Le « refrain » du morceau aurait pu convenir sur « Not The Weapon But The Hand« , l’album de Steve Hogarth et Richard Barbieri ! « Frozen North » appartient aux instants en suspension de cette collaboration, avec sa guitare acoustique magnifique, avant un développement progressif étonnant. Un autre sommet. L’atmosphérique « The Light », culmine avec un super solo Gilmourien, mais ce qui étonne, c’est bien l’utilisation des sons un peu dance electro, très à la mode ces temps-ci, mais ici admirablement utilisés. Si Soord les avait poussé plus loin, il aurait pu rejoindre le club de l’électro industriel, chose que Sigur Ros a à peine effleuré sur son dernier album « Kveikur« .
Le même feeling se dégage de « Stacked Naked », où l’on pense aussi au Mick Moss d’Antimatter. Si la voix avait été trafiquée, cela aurait pu aussi être un OSI plus abordable. La mélodie de « Pretend » envoûte, et Jonas Renske se révèle vraiment comme un chanteur d’émotion, autour d’une musique fascinante. On pense aussi à un très bon Radiohead. Les parties de guitare sont excellentes et les envolées musicales prenantes. Un troisième sommet. « The Centre Of Gravity » reste calme mais intense, avec de belles parties de mellotron, avant le final « Flows Through You », morceau intéressant dans sa dernière partie assez dynamique, laissant ensuite la place à un ghost track qui clôture l’album sur une note plus calme.
Bruce Soord n’a pas cherché à épater la galerie en s’essayant à un progressif virtuose. Partant des derniers essais de Pineapple Thief (il a fallu 4 ans pour écrire cet album), il a simplement voulu aller plus loin dans un son alternatif, et a créé une œuvre originale, là où on ne l’attendait pas. En mêlant les sons électroniques, progressifs et alternatifs, « Wisdom Of Crowds », même s’il souffre de quelques longueurs, est un album qui détonne dans la production actuelle et qui mérite le détour. Vivement la suite.
Fred Natuzzi (8,5/10)