Black Curse – Endless Wound
Sepulchral Voice Records
2020
Jéré Mignon
Black Curse – Endless Wound
Les portes de l’enfer se sont ouvertes au milieu d’un cri déchirant. Le brouillard annonciateur laisse place aux flammes léchant les habitations alentours, les plantes déjà racornies, faisant fuir la faune et laissant dans l’expectative hypnotique, la terreur et la catalepsie les êtres encore humains. Nul ne sait ce qui peut sortir de ses portes taillées dans le granit, si ce n’est un souffle morbide et ce qui va en devenir. Les mots ne suffisent plus, ils n’ont plus aucun sens ou message. Reste une sensation, un fatalisme charbonneux et rigide au milieu d’une sauvagerie primaire. Quand avec un premier album on arrive à retrouver l’atmosphère délétère d’un film de Lucio Fulci (notamment sa tétralogie de l’horreur) où les séquences les plus gores et organiques côtoient des tableaux aussi macabres que poétiques, on retrouve cette sensation d’excitation mêlée d’appréhension… Rare maintenant sont les disques de metal extrême capable de faire ressurgir cette bestialité dans une ambiance quasi poisseuse, ce mélange parfait entre death et black metal. Cet instant où les frontières entre les styles se brouillent, où l’incontrôlable se fait palpable et le chaos qui presse dans un reniflement avide.
Variant ces déflagrations, parfois frénétiques et franchement féroces, avec ces ralentissements pesants, suintants, donnant l’impression de voir s’écouler et se répandre une flaque de graisse noirâtre, Black Curse semble avoir compris le principe de menace. Instable, virulent, proche d’une sorte d’absurdité charnelle sur sa durée, le groupe américain manie une tension qui ne se refuse aucun compromis. Ce seront cris, plaintes, clameurs, son des chairs qu’on frotte, déchire, arrache et maltraite dans un brasier et de l’autre, ce seront ces ambiances quasi hallucinatoires où le temps se distord, où l’espace se fait rituel, où les dimensions se fracassent dans la répétition de motifs épidémiques. C’est un passage entre les mondes, un malaise macabre et persistant. C’est l’allégorie de l’Au-Delà, le chef d’œuvre du réalisateur transalpin, la fin de tout au fond d’un œil vitreux et opaque, une vision de l’enfer où les corps sont étendus dans la poussière et la cendre.
Endless Wound est inéluctable, les nombreux borborygmes, vociférations et autres hurlements stridents rappellent les visages défigurés dans des cris coagulés, des portraits peints par Francis Bacon, figés dans la toile… Enfanté par des cadors du genre, Spectral Voice, Blood Incantation, Primitive Man, Khemmis, le tout dans une production étouffée juste comme il faut mais bien viscérale, le premier long format de Black Curse amène directement au fond du trou, entre la crevasse et les volutes de gaz, entre la folie et l’implacable. Endless Wound est maladif, malsain, bref, contagieux…