Bears Of Legend – A Million Lives
Bears Of Legend Production
2018
Thierry Folcher
Bears Of Legend – A Million Lives
Les « Bears », on ne peut que les aimer. Tous ceux qui, comme moi, ont eu la chance d’assister à l’un de leurs concerts se rappellent immanquablement la façon dont le groupe communique et partage avec son public. On est instantanément revêtus des habits de « potes » venus écouter leurs amis. Mais surtout, cette proximité est mise au service d’une habileté à nous faire aimer leur musique et leurs chansons. On tombe rapidement sous le charme de ce folk choral très inventif et de ces petites histoires issues de la tradition canadienne. Les Bears Of Legend sont originaires de Trois-Rivières, une ville située sur le Saint-Laurent entre Québec et Montréal. Un premier album prometteur Good Morning, Motherland paru en 2012 puis un second encore meilleur Ghostwritten Chronicles sorti en 2015 vont propulser notre septuor sur le devant de la scène canadienne. Le public grandit, les concerts s’enchaînent et l’Europe les accueille à bras ouverts. Leur prestation en Allemagne au festival folk de Rudolstadt en 2017 fut notamment un grand succès. Autour de David Lavergne, leur charismatique chanteur, on retrouve Claudine Roy au piano, Francis Perron à la batterie, Jean-François Grenier à la basse, Guillaume Grenier à la guitare, Jacynthe Poirier-Morand à l’accordéon et Christelle Chartray au violoncelle. Une belle équipe d’amis de longue date que l’on sent très unis et poussés par la même passion.
A Million Lives débarque donc en ce mois d’octobre 2018 avec la lourde responsabilité de succéder à un Ghostwritten Chronicles particulièrement bien accueilli par la presse et le public. La difficulté pour ce troisième album est certainement de trouver sa place entre un savoir faire confortable et un besoin d’innover. Une première piste nous est donnée avec le magnifique « packaging » très éloigné de l’emballage folk habituel. Ici, on est plutôt sur des références progressives ou psychédéliques qui laissent supposer un environnement musical riche et varié. L’artwork signé Etienne Milette et Kevin Bacon Hervieux est très soigné et illustre de façon évocatrice chaque chanson. Côté production, c’est toujours Francis Perron que l’on retrouve avec efficacité derrière les manettes au RadicArt Recording Studio. L’enregistrement précis et dynamique fait ressortir chaque instrument et chaque voix avec clarté. L’album démarre doucement avec « Any Road To Anywhere », un premier titre qui va vite mettre les choses au point. Si le son des Bears Of Legend est toujours là, la musique quant à elle a bien changé, elle s’est électrifiée et lorgne ouvertement vers le progressif. Claudine Roy nous gratifiant même d’un passage à la Supertramp au piano. « Any Road To Anywhere » donne un élan extraordinaire à ce nouvel opus et sera sans nul doute une pièce de choix lors de la future tournée.
On est à peine remis de nos émotions que « Only You » déboule avec son côté pop très chantant où l’accordéon de Jacynthe, le violoncelle de Christelle et surtout la basse de Jean-François s’en donnent à cœur joie au milieu de ce chant choral qu’on connaît bien. La cadence ralentit un petit peu sur « I Need It », un joli bijou plein de surprises. Le traitement musical est très riche avec plusieurs changements de rythme et un violoncelle qui domine la situation. Trois morceaux qui nous laissent pantois et empressés de connaître la suite. « In My Heart Of Hearts » commence avec quelques notes de guitares cristallines avant que le groupe nous envoie un groove de dingue. Ils ont bien grandi les « Ours », heureusement que la voix de David est familière car on est en mal de repères et ce nouveau look devra faire son chemin auprès des fans les plus exigeants. Sur « Miracle » Claudine nous fait apprécier sa technique au piano avant que le refrain très (trop) Coldplay finisse par nous emporter. Ce début d’album est en tout point étonnant, on a vraiment le sentiment d’assister à une métamorphose qui risque malgré tout de faire froncer les sourcils chez certains. La suite sera plus facile d’accès car on sait maintenant à quoi s’en tenir. On accepte sans rechigner cette nouvelle orientation musicale même si l’on garde au fond de soi un peu de nostalgie pour l’habillage « folk song » des deux premiers albums.
Le changement s’opère à nouveau sur « Never Gonna Give You Up » avec des chœurs dignes du Graceland de Paul Simon. La grande force des Bears Of Legend est de proposer des harmonies vocales de grande qualité. Cet esprit choral, pas très éloigné du gospel, humanise profondément les compositions et mérite d’être souligné. La jolie ballade romantique « Isn’t It Over Now ? » n’y échappe pas et se pare de nostalgie grâce à l’accordéon et au violoncelle. Christelle Chartray est encore à l’honneur sur « Young Me (This Inner War) », bien épaulée sur ce morceau par les cordes de Laurianne Bouchard et de Catherine Laurin. On approche de la fin et on retrouve un peu de l’esprit initial du groupe avec « Leaving New York » une chanson toute simple qui va sûrement ravir les fans de la première heure mais qui dénote quelque peu dans cet ensemble ébouriffant. « Make It Right » termine cette belle aventure en beauté et donne un sens au titre de l’album : « …And that we are meant to be together in a million lives… ».
Les Bears Of Legend nous avaient annoncé du changement avec ce troisième album et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont allés très loin dans la démarche. Cette prise de risque, qui les éloigne du folk traditionnel, a permis de mettre en avant tout le potentiel créatif de ses sept membres sans pour autant renier le passé et l’esprit de partage. Si nos amis canadiens passent près de chez vous, n’hésitez pas une seconde, allez les voir ! Je suis persuadé que vous vivrez un grand moment de fraternité et de bonheur musical.
https://www.bearsoflegend.com/