Baron Crâne – Les Beaux Jours (+ interview)

Les Beaux Jours
Baron Crâne
Mrs Red Sound Records
2021
Lucas Biela

Baron Crâne – Les Beaux Jours

Baron Crane Les Beaux Jours

Baron Crâne est un groupe français comme son nom l’indique. En revanche, comme son nom ne l’indique pas, leur musique est un véritable laboratoire d’idées. Depuis déjà sept ans, ils s’ingénient à amalgamer leurs différentes influences (voir l’interview plus bas) dans une configuration en trio. Baron Crâne, c’est aujourd’hui Léo Pinon-Chaby à la guitare, Léo Goizet à la batterie, et Olivier Pain à la basse. Les Beaux Jours est leur quatrième album, et il apparaît évident qu’à son écoute, le terme « répétition » ne fait pas partie du vocabulaire de nos Parisiens. Le single instrumental « Larry’s Journey » et sa petite soeur « Quarantine » (oui, on le sait, la pandémie a été source d’inspiration pour bon nombre d’artistes ces derniers mois), dont l’invité Cyril Bodin nous offre la possibilité de reprendre le refrain sous la douche, sont des bons exemples de la maîtrise du langage heavy rock psychédélique de nos trois explorateurs. Mais déjà sur le premier des deux morceaux cités, on sent les rythmes afrobeat imprégner le jeu du Léo batteur, et on décèlera même un clin d’oeil au disco. Olivier apportera quant à lui une touche darkwave quand sa basse ténébreuse introduira le dernier mouvement.

Ailleurs, on se laissera surprendre sur « Danjouer » par la transition entre le chant de mantra et les assauts motorik beat hérités de cette frappe si particulière du regretté Jaki Liebezeit. Plus loin, entre dub fantaisiste, mysticisme gongien et noirceur crimsonienne, on se laissera ensorcelé par le saxophone de l’invité Guillaume Perret, empreint de cette liberté que pouvait avoir cet autre regretté, Steve Grossman, dans la période la plus exploratrice de son mentor, Miles Davis, lui aussi regretté (un véritable requiem en prose cette chronique). Quand vient le tour de « Merinos», c’est 24 heures d’une journée au temps variable qui sont condensés en moins de sept minutes. La flûte de l’invité Robby Marshall y annonce en effet les éclaircies, là où l’instrument du surprenant Léo guitariste assure à coup d’avertissements wah wah tantôt amusés tantôt alarmés la transition entre passages brumeux et orageux.

Baron Crane Les Beaux Jours Band 1

Humour et effroi se relaieront tour à tour sur l’ambivalent « Inner Chasm », où la versatilité de notre toujours aussi surprenant as du manche transporterait l’auditeur (agréablement) interloqué du pied d’un cocotier aux cimes d’un volcan en éruption. Le morceau-titre enfin permet d’apprécier non seulement le talent du bassiste dans la tension qu’il maintient tout le long, mais également la versatilité vocale du Léo guitariste. Mais c’est qu’il chante aussi, ce dernier ! En effet, tout comme avec son jeu de guitare dans «Merinos», à la douceur de sa voix dans les couplets des «Beaux Jours» répond l’agitation de son chant dans les refrains, toujours avec ce contraste aussi saisissant.

Baron Crane Les Beaux Jours Band 2

Ainsi, avec son quatrième album, Baron Crâne conforte son statut de leader en matière de heavy rock psychédélique, tout en confirmant son aisance à jongler avec les styles qui lui tiennent à coeur. C’est une véritable bouffée d’oxygène que les muscles de notre chimère reçoivent par le biais de ces influences. L’entité peut alors nous épater tant sur le plan des performances techniques que créatives. De beaux jours en perspective donc à l’écoute de ce nouvel opus !

https://www.baroncrane.com/

Entretien avec Baron Crâne (propos recueillis le 14 octobre 2021) :

Lucas Biela : Je découvre Baron Crâne avec Les Beaux Jours. Cependant, le groupe existe depuis 2014. Pourrais-tu m’en dire plus sur l’origine du nom, la genèse du groupe et le parcours poursuivi depuis ?

Léo Pinon-Chaby : Le nom Baron Crâne correspond à notre univers, il renvoie à une certaine noblesse avec un brin de décalage. Nous sommes sérieux dans ce que l’on fait mais pas dans ce que l’on est. Ce nom a été définitivement adopté grâce au visuel du premier album. Initialement ce projet était un laboratoire de recherche sonore, puis le plaisir était tellement grand que la volonté de créer un répertoire s’est vite imposée, c’est comme ça qu’est né le premier album. Le deuxième album Electric Shades a permis de confirmer les territoires que Baron Crâne souhaitait explorer. Commotions est marqué par l’arrivée de Léo Goizet à la batterie et d’Olivier Pain à la basse. Comme son nom l’indique c’est un album de métamorphoses, où s’entrechoquent les univers, qui nous ont permis d’explorer de nouveaux horizons avec pour la première fois des invités au chant. Et enfin quatrième et dernier album Les Beaux Jours qui est sorti le 15 octobre.

LB : A l’écoute de Les Beaux Jours, il paraît évident que le groupe ne se cantonne pas à un style particulier. Pourrais-tu nous en dire plus sur les influences du groupe et comment vous vous concertez pour les intégrer ?

Olivier Pain : Au cœur de notre démarche, il y a le refus de se cantonner à un style, nos influences sont diverses. On a tous les trois eu beaucoup de projets auparavant, et on se questionne peu sur le style auquel vont appartenir nos compositions. Mais on prend beaucoup de plaisir à créer des passerelles entre des styles qu’on n’imaginait pas forcément cohabiter. 

Dans les références qui ont clairement influencé Baron Crâne, il y a King Crimson, Pink Floyd, Mars Volta, Them Crooked Vultures et les Red Hot à l’époque où ils prenaient encore de la drogue.

LB : Est-ce que chacun des membres apporte sa pierre à l’édifice, ou est-ce l’un de vous trois qui est préposé à la composition ?

Léo Pinon-Chaby : Je ramène la plupart des squelettes et nous ré-arrangeons ensemble. Notre son est clairement imprégné de nos trois personnalités. 

LB : Ayant un esprit on ne peut plus ouvert, je ne peux vous cacher que j’ai été scotché par la diversité de la musique sur Les Beaux Jours, en plus de la qualité évidente des compositions. Cependant, et comme ce fut le cas par le passé pour des artistes éclectiques comme Steve Morse ou Bill Laswell, vous allez probablement vous heurter à la difficulté de cibler un public particulier. Comment comptez-vous contourner cette difficulté (ex : cibler des presses différentes, jazz, prog, rock, metal, expérimental…, tourner avec des formations évoluant chacune dans des styles très différents) ?

Léo Goizet : On fait confiance à notre Live et en général le public ne se pose plus trop de question sur les étiquettes (une fois que le set commence). Chacun peut piocher ce qu’il veut, et nous pensons que c’est notre force, Les métalleux y trouveront du heavy, les gens qui aiment le funk y piocheront le groove etc… On espère quand même que les auditeurs capteront la cohérence de tout ça et se laisseront embarquer par le voyage.

LB : Planifiez-vous une tournée pour défendre votre nouveau bébé ? Et si oui, comment comptez-vous pallier à l’absence des invités présents sur Les Beaux Jours ?

Olivier Pain : Évidemment, on attend que ça ! D’ailleurs jusqu’à nouvel ordre, nous sommes en tournée permanente. À bon entendeur…

Léo Goizet : Pour ce qui des invités, certains morceaux ont été composés pour eux et on ne les jouera pas en trio, il y en d’autres que nous avons prévu de réarranger pour les intégrer au live.

Notre musique est avant tout live, c’est en concert qu’on la défend le mieux. 

LB : Votre trio étant instrumental, comptez-vous rester sur ce créneau, certes plus propice à l’interprétation de styles variés, ou l’ajout de voix régulières (par l’un de vous trois ou par un nouveau membre permanent) vous titille-t-elle pour les opus à venir ?

Léo Pinon-Chaby : On ne se met aucune limite. Par exemple, sur cet album, je chante sur le titre “Les Beaux Jours”. Mais c’est plus l’envie de défendre un texte qu’une volonté de mettre de la voix sur un morceau qui nous a poussé à l’intégrer à l’album.

C’est difficile de dire dès maintenant où on aura envie d’aller par la suite, en tout cas on a plein d’idées.

LB : Merci infiniment pour cet opus qui, je l’espère, fera parler de lui. Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Tous : Merci à toi. C’est un sacré projet que cet album et on avait très hâte de le dévoiler. La coproduction avec le label MRS qui a accroché avec notre style protéiforme et fait un boulot formidable nous conforte dans nos choix, parfois radicaux et toujours singuliers.

On aimerait ajouter pour conclure qu’on est très heureux d’être soutenus par toute cette scène alternative, particulièrement riche en France. On rencontre en tournée des groupes incroyables, des organisations et des bénévoles ultra investis qui font vivre tout un pan de la culture dont on parle peu à laquelle on est très fiers d’appartenir. 

Conclusion bis : RDV à Petit Bain le 12/11 pour le concert de sortie d’album !

Crédit photos: Emilie Mauger

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