Astra – The Black Chord

The Black Chord
Astra
2012
Metal Blade Records

Astra – The Black Chord

Astra est une formation originaire de San Diego aux USA qui a fait son apparition sur la scène progressive il y a maintenant trois ans, avec le très remarqué (et remarquable !) « The Weirding ». Ce premier album, avec son illustration et son logo caractéristiques de l’univers onirique de Roger Dean, pouvait laisser présager un énième groupe au contenu musical proche du grand Yes des années 70, au moins dans le style mystico-symphonique, car pour tester le réel contenu et la qualité, une écoute s’imposait. Premier constat, il y avait bien erreur sur la marchandise, car s’il faut chercher une influence majeure dans ce premier essai des américains, c’est plutôt du côté du psychédélisme débridé des premiers Pink Floyd, de la période couvrant « A Saucerful Of Secrets » au définitif « Meddle ». Mais si la musique s’avère être excellente dans le genre, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la production et d’un mixage très approximatif, à tel point qu’on a parfois l’impression d’avoir dégotté là un pur produit underground de l’époque, ce qui finalement n’est pas si gênant en soit vu le style bordélique affiché. Avec « The Black Chord », Astra fait un grand pas en avant de ce côté là, en accouchant d’une œuvre aussi brillante sur le plan technique que musical, mais avec des compositions mieux construites, plus abouties, plus « symphoniques » oserais-je dire aussi, même si l’orientation psychédélique reste finalement bien présente dans tout l’album. En effet, si la formation des cinq musiciens demeure inchangée, le groupe affiche ici une maturité accrue dans tous les domaines, laissant présager un bel avenir, riche en surprises pour les fans nostalgiques de rock prog old-school

L’album s’ouvre avec « Cocoon » et sa longue introduction planante directement empruntée à qui vous savez, en mélangeant allègrement les bruitages de vent façon « One Of These Days » et les nappes éthérées de « Shine On You Crazy Diamond », sans oublier les inévitables guitares saturées à la sauce Gilmour. Après cette nouvelle phase typiquement floydienne, la deuxième partie du morceau nous entraine dans un déluge instrumental et rythmique où les envolées lyriques de moog s’entremêlent avec des accords de choeurs inquiétants plaquées au mellotron (omniprésent dans l’album, avis aux amateurs !) et un thème de guitare entêtant, dans une ambiance générale située entre l’ombre et la lumière. Ce petit cocktail miraculeux et on ne peut plus efficace en guise d’ouverture séduira à coup sûr tous les fans de rock progressif quelque-soit leur confession, presque malheureux de passer à la plage suivante. Que ceux-là se rassurent, le reste du voyage est largement à la hauteur du départ. La seconde pièce de l’album, l’éponyme « The Black Chord », est à la fois le titre de l’album de plus long, le plus alambiqué et le plus varié de par ses multiples citations, allant du bon vieux Genesis d’antan (pour ses parties de claviers façon Tony Banks) à King Crimson, voir également Van Der Graaf Generator pour les ambiances sombres et torturées. On y retrouve également ce génial son « cosmique » de piano électrique qu’affectionnait tant Rick Wright à l’époque de « Meddle » (et on pense ici à « Echoes », forcément).

La grande fête « vintage » continue de plus belle avec « Quake Meat », dont les martèlements hypnotiques et les paroles scandées telles des mantras sur tapis de guitares stratosphériques et de bidouillages électroniques font de lui une sorte d’hybride parfait entre le Gong déjanté de l’époque « You » et le Hawkwind incantatoire des débuts. « Drift » sera peut-être dans la foulée la seule véritable accalmie de l’album, sous la forme d’une courte et bien jolie ballade en apesanteur faite d’arpèges acoustiques sur fond de mellotron, qui n’est pas sans rappeler la contribution d’un Greg Lake aux premiers King Crimson. Après une « Bull Torpis » qui figurerait quant à lui presque incognito dans n’importe quel album des suédois d’Anekdoten, Astra conclue son bijou presque comme il l’avait commencé, avec une pièce possédée par l’âme indémodable du Pink Floyd (écoutez moi donc ces chœurs !), une obsession décidément plus que majeure chez nos américains qui seraient bien malhonnêtes de s’en cacher.

Avec « The Black Chord « , Astra publie une authentique déclaration d’amour au rock progressif des années 70 pour le plus grand plaisir des fans dévots au genre. Et cet hommage sincère, réalisé avec un réel brio, transpire la passion à travers ce second opus qui accroche l’oreille et l’esprit de bout en bout. On peut toujours critiquer cette démarche artistique de vaine et de passéiste (car il est vrai que la musique d’Astra n’innove pas), mais pourquoi bouder un tel exercice de style, aussi réussi, sans faute de goût, et qui plus est procurant une telle dose de plaisir coupable ? Pour ma part, ce sera un nouveau coup de coeur du moment, et, de ce fait, la note quasi maximale pour « The Black Chord » !

 

Philippe Vallin (9/10)

http://www.astratheband.com

 

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