Aseitas – Eden Trough

Eden Trough
Aseitas
Auto Production
2024
Lucas Biela

Aseitas – Eden Trough

Aseitas Eden Trough

Aseitas est une formation américaine fondée en 2017 jonglant entre hardcore et death metal expérimental. Sur le papier, ce mélange semble surprenant, mais si l’on remonte le cours du temps l’on pourra se rappeler que des mariages hardcore / metal extrême ont déjà porté leurs fruits comme celui de Born Under Saturn. Troisième album d’Aseitas, Eden Trough s’affirme comme un véritable joyau de maîtrise et d’originalité, et son atmosphère noire nous captive. La particularité d’Aseitas est de reposer sur des constructions hors de tout contrôle, et donc imprévisibles. Il est impossible en effet de prévoir la structure des morceaux. Ainsi, on pourrait presque penser que nos quatre Portlandais déroulent leurs titres tels des musiciens de jazz : un premier thème, puis on brode de-ci de-là avec tout ce qui nous passe par la tête. En cela, ils se rapprochent d’Imperial Triumphant, également versés dans la musique improvisée plutôt que dans la musique écrite. Prenons l’exemple d’un morceau comme « Tiamat ». Dans un univers bien glauque interviennent vociférations insistantes, batterie désorientée, et guitares tour à tour implorantes et alarmées. Ensuite la lumière arrive, les guitares se font plus triomphantes, la batterie jubile. La joie s’effondre cependant petit à petit pour suivre une marche doom, avant qu’une guitare classique ne fasse pénétrer des rayons de soleil hispanisants qui finiront par rejoindre à leur tour la pénombre. Et le plus étonnant, c’est que l’ensemble tient la route et qu’on ne veut pas perdre une seconde de ce maelstrom informe mais fascinant.

Pour porter des ambiances angoissantes, on notera par ailleurs un travail de syncope assez phénoménal côté batterie et guitares rythmiques. Le morceau de clôture, « Alabaster Bones », avec par ailleurs une progression intéressante et une combinaison voix-batterie-guitares des plus convaincantes vers des atmosphères de plus en plus inquiétantes, illustre bien cet envoûtement syncopé. Je parlais de jazz plus tôt. Le morceau d’ouverture « Break The Neck Of Every Beautiful Thing », entre agitation et ruptures de rythme tous azimuts, n’est pas sans rappeler les expérimentations free-jazz. Il est intéressant de voir que le titre le plus court de l’album porte autant de changements de rythme et d’atmosphères (angoisse, colère, admiration, étonnement, insistance, méditation…). Eh oui, méditation également, car outre les atmosphères morbides, on notera des ouvertures lumineuses portées par quelques notes introspectives des guitares.

Aseitas Eden Trough Band 1

Musicalement, on est fasciné par cette avalanche de notes qui arrivent à faire monter un édifice biscornu vers des sommets de noirceur et d’angoisse. Mais ce sont aussi les voix, l’une convoquant les ténèbres par son ton guttural, l’autre évoquant la souffrance à travers ses cris désespérés, qui apportent de l’eau au moulin noir d’un monde qui repousse autant qu’il intrigue. Et par ailleurs, ce n’est pas qu’à travers la violence que la noirceur et l’angoisse s’exercent. En effet, le piano concluant le morceau « Libertine Captor », dans son jeu porté vers l’agonie, partagera sa peine avec un violoncelle tourmenté dans la pièce qui suivra, « Null Adam/Null Eve ». Placé en plein milieu de l’album, ce duo offre ainsi une trêve, certes emplie de désolation, dans les combats menés pour faire régner les ténèbres. Et dans ces derniers affrontements, comment ne pas mentionner les guitares, capables de faire basculer l’atmosphère aussi bien du côté obscur par leurs interrogations pessimistes et leur dissonance que lumineux par des réponses optimistes.

Aseitas Eden Trough Band 2

Grâce à son univers idiosyncratique où l’effroi et les tourments sont suggérés avec maestria, et où l’originalité triomphe, Aseitas vont vite se retrouver parmi les figures de proue d’un metal extrême toujours plus dense. En attendant de voir si la formation originaire de l’Oregon parviendra à poursuivre son ascension vers les sommets de noirceur, on continuera de s’émerveiller de ce petit chef d’œuvre de musique extrême qu’est Eden Trough.

https://www.facebook.com/aseitas.official

 

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