Arborea – Fortress Of The Sun

Fortress of the Sun
Arborea
Arborea Music, sous licence exclusive ESP-Disk
2013

Arborea – Fortress Of The Sun

Arbore Fortress Of The Sun

La musique « en famille » pourrait être un sujet en soi, un fil conducteur de chroniques transversales (frères et sœurs, mari et femme, les exemples sont nombreux, et même la musique classique a ses duos de frères ou de sœurs, paires, triplés ou couples jouant ensemble). Mais ça n’est pas le sujet. Et pourtant si… Buck et Shanti Curran sont mari et femme et produisent ensemble, depuis 2006, un folk discret qui malgré tout, a fini par attirer les « radars » de la revue Rolling Stone, cité dans la short list « The Best Under-the-radar » 2011 pour leur album Red Planet. Et ils poursuivent leur route discrète et « down tempo » dans le « trance folk » (dixit Rolling Stone) ou « weird folk » (lu ailleurs) avec Fortress Of The Sun sorti en 2013, cinquième album toujours subtilement hanté et brumeux malgré la voix claire et fragile de Shanti (ou, à l’occasion, celle de Buck, en solo ou en duo avec Shanti).

À quoi comparer ce folk-là ? Peut-être aux premiers albums d’Emily Jane White ou d’une Loreena McKennitt à ses débuts (celle de To Drive The Cold Winter Away) mais issue des racines profondes du folk ou du blues et débarrassée de tout artefact celtique ; quoique, « Rider » s’en rapproche, sorte de cover minimaliste de « Scarborough Fair Canticle » avec une instrumentation plus typiquement américaine, majoritairement acoustique hormis quelques discrets accents de slide. Manque donc la harpe, remplacée ici par le « hammered dulcimer », le banjo, l’harmonium ou la slide guitar, pour des ambiances proches de la ballade à l’instrumentation minimaliste et laissant toute la place à la voix de Shanti, comme pour éviter de lui faire de l’ombre. Toutes les vidéos d’Arborea ont un côté un peu kitsch et « fleur bleue », mais délicieusement authentique et country – disons campagnard – avec paysages bucoliques arborés (un jeu de mots inévitable ici !) et robes longues à volants à la Scarlett O’Hara… ou Emmylou Harris à ses débuts.

Arbore Fortress Of The Sun band1

L’album s’ouvre sur « Pale Horse Phantasm » où la voix de Shanti, haut perchée mais jamais mal à l’aise dans ce registre, est aussi pure et fragile que celle de Charlotte Gainsbourg ou sa mère, ou qu’une flamme de bougie dans la brise. Un hymne étrange et vaguement solennel, plus encore avec la vidéo qui l’accompagne, digne d’un David Hamilton ou, plus récent, de la Sofia Coppola de « Virgin Suicides ». Tous les titres offrent cette pureté, cette limpidité et cette tranquillité absolue digne d’une forme « d’ethereal wave » débarrassée de toute noirceur gothique, donc à l’opposé par exemple de la férocité glauque d’Anne Von Hausswolff (Dead Magic), hormis une certaine dimension liturgique sous-jacente, commune aux deux artistes qui peut être sombre ou non selon le cas. Avec Arborea, tout est lumineux, simple et sans affect ; presque trop tout cela, pourrait-on dire lorsque la voix de soprano de Shanti s’élève dans des aigus où peu de chanteuses pop/rock pourraient la suivre. L’ambiance et la pureté de la voix peuvent rappeler aussi une variante US de groupes folks « radicaux » francophones comme Malicorne ou Harmonium sur leurs titres les plus calmes, sans la dimension médiévale. Mais aussi un digne héritage de ces ballades et autres chansons accompagnées au luth, au théorbe ou à la viole durant la Renaissance. En bref, métalleux s’abstenir, mais coup de cœur garanti pour les romantiques ? À cet égard, l’absence de percussions ou de support rythmique constitue peut-être l’une des limites de la musique d’Arborea, noyée dans une douce réverbération, parfois un peu languide et vaporeuse ; mais on leur pardonne, tant l’accompagnement acoustique et la voix de ce folk alternatif sont ciselés.

Tant par ses visuels que ses titres d’albums (et jusqu’au nom du groupe), Arborea est explicitement écologique et minimaliste – au sens d’un minimum de moyens, et d’électricité. Sorte de « poumon vert » du folk, à la tonalité zen et nostalgique à la fois, cool mais tranquillement radieuse, hors des sentiers battus aussi avec un folk bien plus intimiste et dépouillé que le country folk traditionnel souvent plus extraverti et dansant. Leur album House Of Sticks de 2008 était un peu plus « agité » et vivant, grâce à la présence de percussions (toujours assez discrètes) et de quelques morceaux moins délibérément contemplatifs, dont le superbe « Dance, Sing, Fight », avec son titre et sa rythmique agressifs-juste-ce-qu’il-faut.

Arbore Fortress Of The Sun band2

Si ce duo a pu passer « sous les radars » aux USA jusqu’en 2011, alors on imagine qu’en France c’est plus encore le désert, côté média. Et on peut espérer qu’une (première ?) chronique française vienne éveiller un peu la curiosité des fans (de folk, mais pas seulement) en recherche d’authenticité et de nouvelles voix. Si l’on compare par exemple avec le duo Angus et Julia Stone, disponibles « partout », La difficulté sera de trouver leurs CD en France (leurs premiers albums, dont celui éponyme, sont déjà épuisés, et les autres pas si faciles à trouver de ce côté de l’Atlantique).

Jean-Michel Calvez

https://www.facebook.com/Arborea/

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