Andrea Laszlo De Simone – Immensità
Ekleroshock
2020
Thierry Folcher
Andrea Laszlo De Simone – Immensità
Dans ma quête insatiable pour dénicher des perles musicales, j’ai parcouru le monde entier. Je suis allé en Argentine, en Biélorussie, au Canada, au Brésil et même en France pour ne ramener que de rares échantillons, intéressants certes, mais loin de provoquer cet émoi tant recherché. Alors, c’est tout près de chez nous, en Italie, qu’un certain Andrea Laszlo De Simone a réussi là où tous ont échoué. Juste un EP, intitulé Immensità, fera l’affaire et je ne sais comment l’expliquer. C’est une affaire d’ondes, de respiration, de battements cardiaques peut-être. Une chose est sûre, dans mon univers musical ultra encombré, arriver à s’extraire de la masse relève de l’exploit. Une autre piste et pas des moindres, nous amène vers le label parisien Ekleroshock, celui-là même à l’origine de l’excellent L’Été Suivant… de Limousine. Un album à la beauté légère qui m’avait enthousiasmé. Les gens d’Ekleroshock doivent posséder cet instinct et cette sensibilité indispensables pour dénicher d’autres artistes, ceux qui sortent des sentiers battus tout en restant accessibles. On ne sait pas grand chose d’Andrea Laszlo De Simone et de son irruption dans le paysage musical transalpin. Un seul album à son actif (Uomo Dona) sorti en 2017 et largement inspiré par la naissance de son fils. Ce coup-ci, c’est la nouvelle grossesse de sa compagne qui a relancé notre turinois dans l’écriture. Drôle de moteur créatif quand-même, compréhensible mais assez restrictif. J’ose espérer que les retours élogieux sur ce nouvel EP vont véritablement lancer le personnage et par force, l’obliger à élargir sa source d’inspiration.
Immensità est différent d’Uomo Dona. Déjà, le format resserré a permis d’éviter certaines faiblesses du premier album. Ici, il n’y a pas de déséquilibre, de construction un peu bancale. Ce nouvel ouvrage possède bien plus de maturité et s’écoute intégralement, comme un seul et unique morceau. Uomo Dona, c’était de la pop mise en scène un peu à la manière de feu notre Christophe national mais en moins maîtrisée. Immensità ce n’est plus de la pop au sens habituel du terme, c’est un voyage cosmique, une envolée lyrique. On a une belle représentation visuelle de cette atmosphère grâce au vidéo clip du titre « Immensità » (ci-dessous) où la jeune Bardot de Vie Privée plonge et s’envole avec une sérénité et un abandon compréhensifs. La musique nous balade, nous enveloppe et nous entraîne dans un tourbillon. Impossible d’y résister, à moins de préférer les martellements d’une musique plus percutante, ce que je comprends aussi. L’œuvre s’articule autour de quatre chapitres agrémentés d’un prélude, deux interludes et un postlude. Une construction qui ne laisse aucune ambiguïté sur les intentions de son auteur. Il s’agit bien d’un tout qui ne peut être dissocié, au risque de ne parcourir qu’une partie du chemin. Le prélude joué en solo par Andrea s’appelle « Il Sogno » (le rêve) et précède Chapter I (« Immensità »), un titre écrit et réalisé à la maison et sur lequel de nombreux invités vont venir s’installer.
Le résultat est diabolique et comme je le disais plus haut, la projection visuelle est instantanée. On est happé, ballotté et plongé dans une félicité jouissive. Andrea nous berce tout doucement, aidé en cela par le charme de la langue italienne. Pour « Immensità », il nous explique avoir voulu décrire notre existence partagée entre rêve et réalité, grandeur et petitesse, joie et douleur. Après l’interlude nommé « La Realtà » (la réalité), Chapter II « La Nostra Fine » va continuer l’aventure céleste et reprendre cette même thématique. Ici, l’ensemble de cordes enregistré au conservatoire de Paris par Frédéric Soulard est particulièrement aguicheur et donne encore plus de souffle à la musique. Puis le deuxième interlude « Lo Spazio » (l’espace) annonce Chapter III « Mistero » dont le final au sifflement lointain étonne et amplifie la rêverie. Enfin le troisième interlude « Il Tempo » prépare Chapter IV « Conchiglie » (coquillages) à la ténacité envoûtante. La construction, les chœurs et les cordes sont d’une justesse exemplaire. A mi-parcours, ce titre se met à valser gaiement avant que le postlude ne termine de façon martiale cet étonnant EP qui demandera, c’est sûr, confirmation.
Voilà, Andrea Laszlo De Simone a désormais les cartes en main pour aller plus haut encore et je pense que les gens d’Ekleroshock ne vont pas le lâcher de sitôt. Il faut garder en mémoire l’exploit de ce jeune transalpin qui vient de réinventer la pop italienne assez tiède en ce moment. En conclusion, pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour trouver son bonheur, il suffit souvent de regarder tout près de chez soi.