ALMS – An Irosmic Tragedy
Autoproduction
2016
ALMS – An Irosmic Tragedy
Après Beyond en 2013, le multi-instrumentiste et compositeur espagnol Aitor Lucena publie un second opus intitulé An Irosmic Tragedy, entre rock progressif symphonique et art-rock. Originaire de Langreo, dans les Asturies, Aitor a aussi bien travaillé son éducation musicale sur de nombreux instruments qu’il a suivi une formation d’ingénieur du son tout en donnant des cours pour donner corps à son projet musical de véritable homme-orchestre, ALMS.
À l’instar de Beyond, An Irosmic Tragedy s’articule autour de trois longues pièces – entre 13 et 15 minutes chacune – dignes des plus grandes heures du progressif symphonique des seventies. Mais pas seulement. Aitor Lucena est aussi bien inspiré par Mike Oldfield, très présent tout au long de l’album – ne serait-ce que par le côté multi-instrumentiste de l’artiste –, ELP, le canterbury, que par Dream Theater, ou surtout par le progressif italien à la Le Orme. Ainsi, les thèmes s’enchaînent, se mêlent, se perdent pour mieux se retrouver, s’enchevêtrent et se couvrent l’un l’autre, laissant place à de belles illustrations instrumentales variées. De ce point de vue, le deuxième titre, « Tapwala » est une petite pépite oldfieldienne (dont l’amateur appréciera tout particulièrement le passage guitare acoustique/chœurs à partir de 4:59), de même que « Doginala » (notamment de 4:54 à 9:52).
Une des particularités de An Irosmic Tragedy, c’est que Lucena introduit désormais du chant qu’il réalise lui-même pour partie, en anglais et en espagnol. Et de ce point de vue, autant il est un instrumentiste convaincant, autant il est un chanteur limité qui compense par une exagération du trait et de l’accent, du phrasé et des accentuations. Résultat : c’est un peu comme lorsque Mike Oldfield s’essaie au chant, ce n’est pas extraordinaire et il faut un peu de second degré pour dépasser ce caractère curieux – on imaginera par exemple une sorte de pièce musicale façon Pierre Et Le Loup afin de rester dans le concept, plutôt sombre.
An Irosmic Tragedy ressemble à un album un peu autiste, jouant entre tragique et comique, allant de passages magnifiques à des enchaînements plus laborieux, le tout servi par une production pas assez enlevée, et sans doute trop datée, pour polir les joyaux bruts qu’il contient. Aitor Lucena est sans contestation possible un musicien et un compositeur doué dont les qualités s’accommoderaient fort de l’accompagnement d’un producteur éclairé ou de moyens plus importants. Quoi qu’il en soit de ces remarques limitatives, An Irosmic Tragedy est un disque qui s’écoute agréablement pour les amateurs du genre (dont je suis) et pour certains nostalgiques du prog symphonique d’un ancien temps.
Enfin, et c’est la qualité que je ferai émerger pour conclure, Lucena prend des risques, en maîtrise une majeure partie, et enregistre à contre-courant du flot commercial dégoulinant une musique précieuse et élaborée dont peu ont encore le secret de nos jours.
Henri Vaugrand