Aliante – Forme Libere
M.P. & Records
2017
Aliante – Forme Libere
Aliante est un trio instrumental italien proposant un rock progressif aérien et inspiré. Alfonso Capasso, le bassiste, et Jacopo Giusti, le batteur, ne sont pas des inconnus puisqu’ils ont œuvré ensemble dans le groupe Egoband, un des fleurons du label Mellow Records (après un premier album, Trip In The Light Of The World, sorti en 1991 chez Musea), sous la houlette de son claviériste-chanteur Alessandro Accordino. Si Capasso est le bassiste des cinq albums studios et du live bootleg d’Egoband (jusqu’au récent Tales From The Time en 2016), Giusti n’a participé qu’au seul We Are (1995) (peut-être leur meilleur album, où l’on peut particulièrement apprécier la qualité de la section rythmique sur « What A Man Could Be »). De son côté, Enrico Filippi est le claviériste du groupe AdE, surtout connu pour ses reprises de Genesis. Si Egoband développe à ses débuts une musique néo-progressive dans la mouvance des Marillion, Clepsydra et autres (donc en anglais), Aliante a une approche différente, due notamment à l’absence de chant (mis à part, le texte en italien parlé par une voix féminine sur le court titre éponyme introductif).
En fait, Aliante a autant à voir avec le rock progressif qu’avec une certaine forme de jazz ou de musique expérimentale qui semble laisser une part belle à l’improvisation. Pas vraiment de démonstration technique époustouflante, mais plutôt un bel équilibre entre les instruments qui permet une spatialité des plus agréables, sans oublier un sens du groove affirmé (« Etnomenia » et les magnifiques percussions de Jacopo Giusti, « Kinesis »). C’est surtout dans l’utilisation fréquente de nappes de claviers en fond (« Coda Marea 03 ») et dans le choix des instruments à touches blanches et noires que l’on ressent l’influence néo-progressive et atmosphérique qui inspire Enrico Filippi (Moog Sub 37, Kurzweil pc3 61 kore expansion, Roland Fantom G6, Yamaha P120, Korg Trinity plus…). Le duo rythmique bénéficie, quant à lui, d’un son particulièrement affiné et typique (le kit Yamaha Stage Custom pour Jacopo Giusti, Ibanez Musician Bass et Fender Jaguar, tête Markbass Big Bang et enceinte Ampeg pour Alfonso Capasso).
Les écoles italienne et Canterbury sont également présentes, singulièrement sur « L’Ultima Balena » (voir et entendre la vidéo ci-dessous). On peut y apprécier une chouette intervention de la basse d’Alfonso (passée à travers la fameuse Big Muff d’Electro Harmonix) et de belles syncopes de Jacopo. Cette belle harmonie rythmique permet à Enrico d’avoir les plus belles inspirations de l’album à mon sens. C’est encore le cas sur le morceau final où nos trois compères lâchent un peu les chevaux avec une magnifique coda du piano liminaire. De même sur le long et sentimental « Tre Di Quattro », très rital pour le coup ! Les nappes de synthé et d’orgue permettent de belles envolées de piano et de synthétiseur, vraiment à la manière transalpine, et le goût en est délicieux. D’autant que la seconde partie du morceau s’élève un peu avec des sons de claviers caractéristiques des années 80. Mais c’est surtout « Kilowatt Store » avec ses sons d’orgue saturés et son aspect très rock qui m’emballe. Toutes proportions gardées, ça respire son Emerson, Lake and Palmer, mais aussi les fous furieux de Niacin !
Forme Libere est un premier album, c’est sa qualité et son défaut. Qualité, car on sent chez les musiciens d’Aliante un plaisir évident de jouer et une complémentarité indéniable. Défaut parce que certains titres auraient sans doute mérité d’être plus travaillés, arrangés. Néanmoins, pour qui aime les ambiances instrumentales basées sur les claviers, sans démonstration outre-mesure, ce premier album d’Aliante est une bonne surprise qui se contextualise parfaitement avec le vingt-cinquième anniversaire du label M.P. & Records. Il n’y a pas à dire : on a souvent tendance à oublier ou enterrer la musique produite de cet autre côté des Alpes. Voilà une erreur qu’Aliante nous permet d’éviter. Ben fatto !
Henri Vaugrand