Agnès Obel – Aventine
Agnès Obel
Pias
Dès « Philarmonics », son premier album, la danoise Agnès Obel a obtenu une reconnaissance du public et de la critique qu’elle n’attendait absolument pas. Et c’était mérité tant l’album soignait ses atmosphères avec un piano d’une subtilité et d’une maîtrise qui la rangeait aux côtés des pianistes aussi charismatiques qu’une Tori Amos, à qui on ne peut que penser car certains thèmes lui auraient parfaitement convenus. « Aventine » poursuit le chemin tracé sur 11 compositions d’une beauté stupéfiante. Elle s’entoure d’Anne Muller au violoncelle et Mika Posen de Timber Timbre au violon, ainsi qu’un guitariste et une harpiste, et l’ensemble apparait comme échappé d’un brouillard qui s’évapore, avec une capacité de figer l’instant, et de nous emmener dans des petites pièces cinématographiques envoûtantes et hypnotiques. Un bon exemple : les morceaux instrumentaux. Posés en générique, transition et épilogue, ils marquent des passages dans l’album. « Chord Left » installe immédiatement une ambiance poétique et dévoile un paysage minimaliste, qui rappelle Erik Satie, tout comme « Tokka » au milieu de l’album. Quant à « Fivefold », le contraste du piano inquiétant et des cordes, en font une pièce folk splendidement atmosphérique, juste avant la fin.
Entre temps, des mélodies à tomber, et de la beauté à foison. « Fuel To Fire » et son élégant piano, et ces cordes aériennes, ravissent. La voix d’Agnes Obel, travaillée et multiple, enchante un univers mystérieux. « Dorian » embraye, douce et retenue, splendide. « Aventine » travaille la technique sur les cordes et nous donne un morceau à plusieurs couches, qui coule de source. « Run Cried The Crawling » émerveille encore, avec un imaginaire des plus foisonnants, amenant une idée de la musique que l’on peut qualifier de chambre, vers une folk hivernale lumineuse. « The Curse » est plus chaleureux et l’on s’y plonge avec délice. « Pass Them By » est emplie de délicatesse et la magie opère, tout comme sur l’entêtant « Words Are Dead », balade aérienne magnifique.
Enfin, « Smoke And Mirrors » finit en légèreté avec un style classique, élégant et simple. Agnès Obel approfondit son univers délicat et subtile, dans lequel elle déploie une parfaite maîtrise. Elle a cette capacité rare à faire oublier le monde qui nous entoure, à nous faire fermer les yeux à plusieurs reprises et à nous évader vers des paysages intérieurs sublimes, propices à la rêverie et à l’imagination. Elle pourrait aisément réaliser un album entièrement instrumental, tant la force de ses compositions capte en une seconde l’auditeur.
« Aventine » est un bijou, un moment de grâce, qui convoque les fantômes du classique, dans une forme populaire teintée de folk. Absolument magique.
Fred Natuzzi (9/10)