After Crying – Overground Music
After Crying
Stereo Shop
Si l’on veut bien excepter les superbes ébats discographiques de Solaris, force est de constater que la scène rock hongroise a revêtu, durant les eighties, des allures désolantes de désert sans couleur. La découverte d’After Crying en 1990 a constitué de ce fait une surprise de taille, aussi soudaine qu’inattendue. Cette formation originaire de Budapest, renforcée au fil des ans par une pléiade d’intervenants extérieurs de premier ordre, proposait en effet sur sa première œuvre quarante minutes merveilleuses d’éclectisme et de finesse. Le morceau d’ouverture « European Things », pensé et élaboré comme un fulgurant hommage au génie défricheur de l’immense Frank Zappa, plantait d’emblée le décor subtil des escapades digitales de ces brillants musiciens : violon alto, violoncelle, flûte, trombone, hautbois, basson, trompette et vocalises féminines diaphanes soutenus par un piano stupéfiant de virtuosité s’y envolaient à tour de rôle ou s’y entrecroisaient dans un luxuriant écheveau de thèmes sinueux et complexes empreints d’un raffinement exquis. Loin des poncifs de série Z dont se rassasiaient à l’époque nombre de combos progressifs du « bloc de l’ouest », After Crying distillait une alchimie baroque raffinée déployant ses charmes alambiqués au confluent d’un néo-clacissisme influencé par Mahler, Dvorak mais aussi Satie ou Varese ( » … To Black »), d’un rock de chambre contemporain teinté, à la manière de Julverne, d’une touche de jazz (« Confess Your Beauty » ou « Madrigal Love Part Two »), et d’un symphonisme nostalgique et raffiné devant beaucoup au meilleur Renaissance (le bouleversant épilogue « Shining »). Pour autant que l’on veuille bien fermer les yeux sur un chant anglais pas toujours très heureux, on tenait là les premiers pas extraordinairement prometteurs d’une formation devenue, depuis lors, absolument culte. Indispensable !
Bertrand Pourcheron (8/10)
http://aftercrying.hu/