Affector – Harmagedon
Affector
Inside Out
Oubliez tous les albums du mois, du trimestre ou de l’année encensés à grand renfort de dithyrambes dans la presse spécialisée. Pour une fois, un événement annoncé comme la septième merveille du monde tient ses promesses et va même au-delà ! Jamais, en effet, depuis des lustres le metal prog’ n’avait accouché d’une œuvre aussi forte. Le projet est né de la rencontre, en 2008, de Collin Leijenaar, le batteur de tournée du Neal Morse Band (aussi bon que Mike Portnoy : jetez donc une oreille sur « Salvation » pour vous en convaincre) et de Daniel Fries (guitare, ex-Divinity) qui souhaitent publier un album de prog’ metal chrétien mais ne parviennent à leurs fins qu’en 2012. Et le fait que des pointures du calibre de Mike LePond (basse, Symphony X), Ted Leonard (chant, ex-Enchant et new Spocks’s Beard), aidés par les monstres sacrés que sont Neal Morse, Derek Sherinian et Jordan Rudess aux claviers, soient parvenus à cristalliser en un peu plus de 70 minutes la quintessence d’un style qui nous fait vibrer constitue un sacré tour de force quand on connait le nombre de supers groupes (ou présentés comme tels) ayant accouché d’une souris. Quoiqu’il en soit, nos chevaliers blancs n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère et, pour un coup d’essai, leur premier opus « Harmagedon » constitue un sacré tour de force renouant, par son intelligence de composition et sa finesse d’interprétation, avec le meilleur de Dream Theater (l’influence majeure), de Spock’s Beard, de Transatlantic ou de Symphony X !
Sous la houlette d’un Ted Leonard au gosier de braise, dont le stakhanovisme forcené laisse pantois (quand ce garçon trouve-t-il le temps de dormir ?), notre ‘dream team de choc’ interprète un prog rock metal chrétien de derrière les fagots dont quasiment toutes les paroles sont extraites, mot pour mot, de la bible ! Dès les notes d’ouverture du bien nommé diptyque « Overture », le ton est du reste donné, avec une ouverture grandiloquente dans le style du péplum (un grand merci à l’orchestre), avant que le combo prenne la relève de manière méchamment électrique : la grande inspiration est au rendez-vous ! La suite « The Rapture » fait ainsi exploser les compteurs geysers. Durant plus de quatorze minutes, les séquences mélodiques d’anthologie s’y succèdent avec une aisance déconcertante !
Jamais à court d’inspiration ni d’idées, nos « chevaliers blancs » y déboulent à toute vitesse à la manière d’une compagnie de panzers lancés sur les plaines ukrainiennes. Sur cet epic, très imprégné du « théâtre du rêve », on a droit à de longs passages instrumentaux, avec des soli de synthés assurés par le grand Jordan Rudess qui sont tout bonnement stupéfiants de technique et d’inventivité (sans jamais tomber dans la branlette stérile). Dans le même temps, Mike LePond nous gratifie de parties de basse d’une rare subtilité et Daniel Fries se fend de soli lumineux dignes du meilleur Mike Petrucci.
La suite de l’album s’avère du même calibre et, là où les bouleversantes ballades « Harmagedon Acoustic » et « Cry Song » (dont les lyrics, écrites par Daniel et non extraites de la bible, évoquent la mort de son père) calment quelque peu le jeu avec leurs climats évanescents, les autres morceaux remettent la gomme à fond la caisse avec de furieux breaks et des mélodies divines (c’est le cas de le dire), magnifiquement orchestrées (les somptueux « Harmagedon » et « Falling Away & Rise Of The Beast »).
Au final, ce millésime 2012 constitue l’acmé d’un prog rock intense et babylonien qui bâtit une musique tout à la fois résolument moderne et intemporelle. Vivement la suite !
Bertrand Pourcheron (9/10)
[responsive_vid]