Abaji – Carnet De Voyages
Absilone
2024
Lucas Biela
Abaji – Carnet De Voyages
Abaji n’est pas un artiste ordinaire. Né au Liban d’une mère arméno-syrienne et d’un père grec, les différentes cultures dans lesquelles il a baigné ont fortement influencé la trajectoire musicale de sa carrière. En effet, collectionneur d’instruments du monde entier, il aime également à en jouer et à intégrer les différentes cultures qu’ils représentent dans sa production. Avec le premier volet de son Carnet De Voyages, c’est sur des courtes saynètes instrumentales ou en incorporant du chant qu’il nous fait revivre l’ambiance et les impressions que lui ont laissés ses déplacements à l’étranger. L’album tourne certes autour de ses racines (Liban, Turquie, Arménie), mais on fait aussi une halte au Chili et au Mali.
Ainsi, au sein de « Armenian Mountains », s’instaure un dialogue entre des percussions qui résonnent comme des roseaux qui se fragiliseraient en les touchant et une flûte qui cherche un semblant d’espoir dans un océan de nostalgie. Cette nostalgie, c’est celle du pays dont il cherche à retranscrire ses impressions par la musique. Avec « El Cielo De Acatama », nous voilà partis pour un voyage au Chili, dans un des déserts les plus arides de la planète. A l’immensité de la plaine désertique évoquée par les percussions distantes et son sol craquelé que les frappes régulières du tambourin ne cessent de nous mettre à l’esprit, répond la félicité du ciel au travers de ce charango tout fier et cette voix exaltée. L’ Argentine voisine sera évoquée dans «Tango In Bamako » par l’intermédiaire de cet harmonica espiègle qui dessine des chorégraphies dans la tête mais qui ne sait plus trop sur quel pied danser, ou plutôt sur quelle terre danser, quand interviennent les tambours du Mali. « Turkish Mood » joue la carte de l’humour dans les rues d’Istanbul avec ses percussions au rythme alerte cherchant presque à dépasser, ou à rattraper, difficile à dire, cet instrument à cordes aux airs égarés mais auxquels vient vite tenir compagnie un sifflement enjoué. Avec « Zikrayat », c’est une plongée au cœur des racines d’Abaji qui nous voit marcher sur un pont se balançant de droite à gauche. Ce pont surplombe la Syrie et relie le Liban à la Turquie. A travers l’utilisation des langues locales, le chant tour à tour éberlué et passionné nous fait alors voyager dans ces contrées.
Par sa maîtrise de nombreux instruments peu communs, et son envie de transmettre sa passion des sons issus de différents coins du monde, la démarche du multi-instrumentiste me rappelle celle de ce cher Hery Randriambololona (alias Ujjaya). Je ne pouvais donc pas passer à côté de cet autre maître ès instruments (et ambiances) rares qu’est Abaji. Sa musique est touchante et respire l’authenticité. Évacuant toute démonstration futile et toute fioriture, il inscrit son jeu et son chant dans un cadre naturel, et nous fait respirer l’air des terres qu’il a foulées. Il me tarde donc de découvrir la suite des aventures qu’Abaji nous présentera dans le deuxième volet de son Carnet De Voyages.
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