Ulver – Perdition City

Perdition City
Ulver
2000
Jester Records

Perdition-City

C’était une de ces soirées, bruineuse, terne, figée dans un cercle de lumières artificielles qui inondent les sens. La ville, soleil couché, entamant un nouveau cycle nocturne. Une vie synthétique où la lumière des bureaux et autres lampadaires deviennent astres d’un soir. C’est à ça que je pense en regardant le cul de mon verre, désespérément vide à l’intérieur de ce jazz bar, néons multicolores agressant mes yeux alors que je tourne la tête vers la fenêtre. Dehors, les gens deviennent des formes abstraites, des ombres spectrales que je m’amuse à dessiner dans ma tête. La musique qui passe sur une sono crasseuse m’aide d’autant plus. Je ne l’écoute pas, je perçois simplement borborygmes, sons diffus et étirements électroniques. De ces luminescences je m’évade, je parcours les rues, longe les quais, m’arrête sur un pont pour observer les remous de l’eau se mariant avec la circulation fléchissante.

Les phares de voitures sont comme des globules rouges, apparaissant pour tout de suite s’évaporer, suivant un sens pré-défini. J’imagine qu’un son de saxo collerait bien à l’ambiance mélancolique qui se dégage de ce spectacle. J’ai beau sentir les infra-basses du train qui passe en dessous de moi, cela ajoute à l’atmosphère face aux trottoirs dont la pluie donne un effet de miroir déformant. Je n’ai pas envie de quitter cette iridescence éphémère, je préfère me jeter dedans, rendant cette promenade d’autant plus absurde. Illogique même d’arpenter les rues jamais obscures, jamais éclairées non plus, cette frontière indistincte, hypnotique.

Rêve éveillé ou réveil songeur ? Je suis un metteur en scène du subconscient. Je déplace lumières et éclairages à ma guise. La caméra, c’est mes yeux, mes oreilles, le preneur de son. Le film, c’est moi, mon errance dans cette ville déshumanisée. La lunette de la caméra est sous cache, mais des images sont montées, collages, autres fragments et résidus cinégéniques mis bout à bout. Au détour d’une rue, je croise Norman Bates cabotinant avec Massive Attack sous l’oeil de Gaspard Noé. Michael Mann avec l’aval de Coil me plonge dans un travelling intérieur. Spike Lee me refait vivre la solitude et la tristesse de personnages fictifs/réels copulant avec Future Sound Of London.

Je marche, je marche… Pas de dénouement, pas d’intrigue. Mon verre est toujours vide, je sue de désir et de peur, cigarette aux lèvres, regardant les néons morose d’une enseigne. Elle me dit où je suis… Perdition City…

Jérémy Urbain (9/10)

http://www.jester-records.com/ulver/

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