Torquem – Ansiktet

Ansiktet
Torquem
2013
Autoproduction

Torquem – Ansiktet

Dans la profusion de projets musicaux divers et variés qui fleurissent sur le net, en présentant plus ou moins d’intérêt et de talent à l’arrivée, Torquem fait partie de ceux qui interpellent immédiatement l’oreille, qui fleurent bon la petite perle gorgée de potentiel, la découverte rafraîchissante refilant le sourire aux lèvres… En bref, c’est juste le truc qui sort du lot, et ça fait bien plaisir. Le groupe se forme à Paris en 2011 à l’initiative de Benjamin Vergès (de La Diagonale du Fou, excellent trio rock instrumental au son « post-hardcore »), Fabien Lobleau et Nicolas Goussot (par ailleurs membre de We Are Jupiter et de Spleen Vs Ideal, génial duo basse/batterie inspiré par la folie des Melvins), trois musiciens qui ont trouvé ensemble l’envie de créer quelque-chose de différent. Et le pari est réussi avec cet énigmatique « Ansiktet » (qui signifie « Le Visage » en norvégien), premier EP et volet d’une trilogie à venir signée Torquem. On ne sait finalement pas grand-chose de ce projet insolite qui brouille carrément les pistes, avec des titres en langues scandinaves, son patronyme d’inquisiteur espagnol et des interprètes qui semblent vouloir rester en retrait. Difficile en effet de savoir qui joue quoi dans Torquem !

Il reste que nos trois compères développent à travers cet éclectique album à la beauté glacée, un univers très personnel et singulier, où se côtoient sonorités post-rock et effluves jazzy. Ces dernières sont portées ou appuyées par le souffle du saxophone, ainsi que par la contrebasse de Julien Griers qui s’invite avec succès sur « Stöten » (« L’impact »), un morceau fantomatique, hypnotique et vaporeux, évoquant le meilleur de The Cinematic Orchestra. D’ailleurs, à ce propos, la musique de Torquem se veut assez « cinématique » par instants, à commencer par le titre d’ouverture et sa merveilleuse intro au piano électrique, qui ne dépareillerait pas dans la bande-originale de la série « Les Revenants » signée Mogwai. Certains titres donnent carrément dans l’atmosphérique, tel que le bien nommé « Lilla Istiden » (« Petit Age Glaciaire » en suédois), sorte de douce rêverie sur un rythme downtempo où dialoguent sons électro, piano et vocoder, ainsi que « Flimreh », enchevêtrement onirique de mélopées vocales féminines qui instaure un climat médiévalo-fantastique (et nordique, assurément !).

L’autre versant créatif de Torquem, le plus résolument « jazz » donc, flirte davantage avec l’expérimental, mais sans jamais sombrer dans un quelconque hermétisme ou intellectualisme, le feeling et la fibre émotionnelle restant toujours au cœur de cette bien jolie galerie de courtes fresques musicales. Le meilleur exemple pour l’illustrer reste très certainement l’alambiqué (mais néanmoins mélodique) « Kthese », lors duquel les musiciens de Torquem inventent une sorte de « post-rock in opposition » aussi joyeux que jubilatoire.

Pour conclure le passage en revue de cet EP qui vous laisse (et c’est tant mieux) un goût de pas assez, il convient de souligner le soin apporté par le groupe à la production de leur bel ouvrage, qui mériterait une distribution moins confidentielle et un véritable pressage usine en support physique. Quoi qu’il en soit, je vous engage fermement à partir à la découverte de ce très réussi « Ansiktet » et à vous perdre comme moi dans les méandres de ses compositions aussi variées qu’insolites, en attendant le deuxième acte à venir. Passionnant !

Philippe Vallin (8/10)

http://torquem.bandcamp.com/

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