Sylvan – Posthumous Silence

Posthumous Silence
Sylvan
2006
Progrock Records

Sylvan – Posthumous Silence

Lorsqu’on se penche sur la carrière de Sylvan, on se dit que le fameux adage populaire « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » est loin d’être désuet. Après des débuts guère convaincants (les médiocres « Encounters » et « Deliverance », publiés respectivement en 1998 et 2000, et pollués par des clichés néo-régressifs éculés jusqu’à la moelle), c’est en effet à force de travail et de persévérance que ce jeune groupe allemand est parvenu à gagner en cohésion, en puissance et en originalité. Dès 2002, la chenille se transforme ainsi en papillon. Son troisième opus, joliment baptisé « Artificial Paradise », fait preuve d’une maturité réjouissante et emporte l’adhésion grâce à ses mélodies raffinées, ses longues cavalcades de six cordes et ses subtiles parties de claviers. Deux ans plus tard, le combo enfonce le clou avec le nostalgique « X-Rayed », dont les compositions éthérées renvoient aux fastes du No-Man de « Returning Jesus« .

Couronnant de la plus belle des manières cette progression constante vers l’excellence, « Posthumous Silence » est un somptueux concept-album de 70 minutes. Cette œuvre est bâtie sur un canevas particulièrement émouvant, mettant en scène un père qui retrouve le journal intime de sa fille, entre-temps tragiquement décédée. A la lecture de ce manuscrit, ode exaltée à l’adolescence et à sa soif d’idéal, cet homme découvre alors, abasourdi, les incertitudes et les peurs existentielles ayant tourmenté son enfant. En calquant son propos musical sur cette trame littéraire bouleversante, la formation atteint d’impressionnants sommets créatifs. Démontrant une faculté de renouvellement permanent, Sylvan passe ici du dépouillement le plus mélancolique (les sublimes dialogues piano/violoncelle/voix sur « Bequest Of Tears » et « Message From The Past ») à de fortes poussées de fièvre électrique (le furieux « In Chains », évoquant un violent télescopage entre les Red Hot Chili Peppers et le Porcupine Tree de « Arriving Somewhere But Not Here ») et à de magistrales envolées progressives (les poignants « Bitter Symphony » et « Posthumous Silence », sublimés par des synthés orchestraux et une guitare stratosphérique). Survolé par le chant à fleur de peau de Marco Glühman, ce « silence posthume » possède toutes les qualités d’un grand concept : sujet superbe, paroles de qualité, technique maîtrisée et flamboyance harmonique.

Au final, en rendant hommage à cette adolescente défunte, ayant fait du doute sa raison et du désespoir son oraison, les musiciens ont fait preuve d’une rare intelligence : la tension extrême du sujet abordé épouse effectivement à merveille leur sensibilité exacerbée. On tient donc là une véritable pépite proche, à bien des égards, de l’album « Brave » signé par Marillion en février 1994. Chapeau bas !

Bertrand Pourcheron (9/10)

http://www.sylvan.de

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.