Steve Jansen & Richard Barbieri – Stone To Flesh

Stone To Flesh (Réédition)
Steve Jansen & Richard Barbieri
2015
Kscope

Steve Jansen & Richard Barbieri Stone To Flesh

Mais que voilà une heureuse réédition ! « Stone To Flesh », ou très certainement le meilleur fruit de la collaboration Jansen/Barbieri (« Worlds In A Small Room », « Stories Across Borders »…) sorti en 1995, revient chez Kscope sous la forme d’un beau petit CD digipack au design classieux, affublé d’un nouvel artwork et augmenté d’un titre inédit. On ne remerciera jamais assez le label qui vient donner ainsi une seconde chance à un disque plutôt méconnu, mais qui restera pourtant comme l’un des chefs-d’oeuvre de l’art-pop sophistiquée des années 90, aux côtés du « Laughing Stock » de Talk Talk, du « Dead Bees On A Cake » de David Sylvian, ou de l’incroyable album éponyme de Rain Tree Crow. Rappelons que ce dernier n’était autre qu’une nouvelle et éphémère émanation du groupe anglais Japan, mais avec un résultat musical situé à des années-lumière de leur style new-wave originel ! On peut d’ailleurs mettre en évidence divers liens de filiation et points communs stylistiques entre ces trois merveilles et celle qui nous intéresse plus particulièrement ici. En effet, le claviériste Richard Barbieri et le batteur Steven Jansen (frère cadet de David Sylvian) sont tous deux membres fondateurs de Japan dès 1974, et ils n’ont depuis cessé d’évoluer dans une même direction musicale hybride et esthète, entre rock futuriste et escapades électroniques. Aussi, l’harmoniciste possédé Mark Feltham, maintes fois entendu chez Talk Talk, se voit crédité sur deux morceaux de « Stone To Flesh », venant parachever un casting de rêve où l’on retrouve ici et là Colin Edwin (basse acoustique et électrique), David Torn (loops) et un jeune Steven Wilson (guitares) déjà fort bien rôdé.

Enfin, la voix ! Dès que le chant pour le moins inattendu de Steve Jansen vient tout délicatement se poser sur les premiers accords hypnotiques de « Mother London », impossible de ne pas penser au timbre feutré et au feeling de David Sylvian, tant le mimétisme est si parfait qu’il en devient troublant. Même l’excellent Sylvain Chauveau (compositeur et chanteur post-minimaliste français) n’est pas aussi convainquant dans ce registre ! Sauf que dans le cas présent, c’est clairement la génétique qui est venue se mêler à l’admiration qu’un artiste musicien porte à son génie de grand frère, bien qu’il ne soit que d’un an son aîné.

Jansen Barbieri Band

Cela dit, « Stone To Flesh » privilégie largement les développements instrumentaux au chant, présent seulement sur trois des sept (longs) titres que compte cette réédition. La voix de Jansen est à la fois mystérieuse et envoûtante sur « Ringing The Bell Backwards », pièce d’orfèvrerie sonore qu’on dirait toute droit sortie du monolithique « Gone To Earth » de David Sylvian, soit la parfaite synthèse du rock et de l’ambient, et album d’île déserte de votre serviteur. On la retrouve également, plus mélodique que jamais, sur le très beau et planant « Closer Than I », dont les nappes introductives ne sont pas sans évoquer le classique « Radioactive Toy » de Porcupine Tree.

Pour le reste, on ne fera que voyager à travers les méandres d’un rock instrumental méditatif, composite et raffiné à l’extrême, qui posait déjà il y a vingt ans les bases de ce qu’on peut appeler aujourd’hui le courant « post-progressif (la galaxie Wilson, en gros !), mais avec une personnalité et une élégance qui demeureront inégalées. Je n’en dirai pas plus : trésor de discothèque, « Stone To Flesh » est un pur bijou indispensable, un album d’une classe inestimable, à redécouvrir d’urgence.

Philippe Vallin

http://www.stevejansen.com/

http://www.richardbarbieri.net/

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3 commentaires

  • Lucas Biela

    le label Projekt propose quelques formations de ce type. Nonobstant, ce type de pop feutrée et éthérée reste trop rare (Steven Wilson et Porcupine Tree sont très loin de ce style épuré et subtil).

    • Philippe Vallin

      Certes ! Mais si des amateurs du Steven Wilson actuel – et il y en a beaucoup – peuvent se diriger vers ce genre de productions restées dans l’ombre pour la plupart, ce sera toujours ça de gagné 😉 En plus, Wilson joue dans « Stone To Flesh », et pas qu’un peu. Donc si c’est la seule porte d’entrée pour certains afin d’aller découvrir sur le tard cet album fabuleux, là aussi, ben tant mieux. Cela dit, moi aussi, mon choix est fait.

  • Denis Mathys

    Content de voir que je ne suis pas le seul à trouver cet album culte, on peut l’écouter des dizaines de fois et toujours entendre un petit détail qui nous avait échappé avant.

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