Spock’s Beard – X Tour Live

X Tour Live
Spock’s Beard
2012
Music Theories Recordings

Spock’s Beard – X Tour Live

Spock’s Beard a été et reste encore l’un des tous meilleurs groupes de rock progressif sur scène. A l’époque où Neal Morse était encore son mentor, chaque prestation de la formation américaine se révélait déconcertante d’aisance virtuose, de folie communicative et de générosité, sans jamais rien perdre de son étonnante musicalité, ce cocktail unique et survitaminé de sonorités prog, pop, folk et heavy rock. Lors de la mémorable tournée « The Kindness Of Strangers », puis celle de « V » quelques années plus tard, les gars de Spock’s Beard étaient, dans ce domaine, tout simplement les rois du monde. Les chanceux qui ont eu le privilège de les voir en concert à cette époque (au Théâtre Dunois ou au Café de la Danse pour les parisiens) savent de quoi je parle ! Cela était encore vrai après le départ de Neal Morse, mais à un moindre degré, principalement à cause des nouvelles compositions d’un groupe au fort potentiel technique, mais amputé de son génie créatif illuminé, avec une production d’œuvres tout à fait honorables mais souvent bien loin de la haute inspiration des classiques intemporels pondus par barbe de Spock dans sa phase originelle.

Le groupe, repris en main par le batteur touche-à-tout et surdoué Nick D’Virgilio (il chante à merveille, joue aussi de la guitare et des claviers !), a heureusement remonté la barre depuis son album éponyme (2006), et surtout avec « X », le disque de Spock’s Beard le plus abouti et ambitieux depuis le double concept « Snow », brillant testament de l’indépassable époque Neal Morse. Mais le grand paradoxe avec Spock’s Beard, groupe de scène par excellence, c’est qu’il n’a jamais été fichu de publier un disque live de belle facture depuis sa création ! (à l’exception peut-être du trop sage « The Beard Is Out There » en 1998, ou encore le double album sobrement intitulé « Live » paru 10 ans plus tard). En effet, aucun enregistrement n’a jamais retranscrit l’ambiance incroyable qui règne sous les projecteurs et dans la salle à l’occasion d’un show de nos californiens préférés. On oubliera en effet le calamiteux « Don’t Try This At Home » qui massacrait la tournée « Day For Night » en l’amputant des trois quarts de sa durée. Même la prestation intégrale de ce concert en Hollande édité en DVD de présentait pas le groupe sous ses meilleurs auspices.

Et le « X Tour Live » qui nous intéresse ici, enregistré courant septembre 2010, ne déroge malheureusement pas à la règle. Non pas que les musiciens soient « mauvais », mais il y a un manque flagrant de spontanéité et de surprise tout au long de ce live bien exécuté dans l’ensemble, mais trop téléphoné pour susciter un réel enthousiasme. Premier constat déplaisant, le disque 1 reprend l’intégralité de l’album « X », à l’exception du titre bonus « Their Names Escape Me ». Si on peut toujours applaudir cet exercice difficile brillamment accompli par le groupe, avouons que ce choix tactique n’est pas forcément le meilleur des atouts pour maintenir la dynamique d’un set face à un public. Et ce n’est pas le changement de position de l’instrumental « Kamikaze », composition jouissive signée du claviériste Ryo Okumoto (très teintée Deep Purple avec son orgue Hammond en fusion) qui y changera grand-chose. Ce titre, unique vrai moment où le groupe s’accorde une petite marge d’improvisation, reste peut-être le seul du premier CD à traduire la folie débridée qui l’habite encore un tant soit peu. On retiendra également les très belles interprêtations de « Edge of In-between » ou du fleuve « Jaws Of Heaven » et ses nombreux rebondissements, variations de climats et passages épiques.

Le second disque se consacre à de trop rares morceaux plus anciens, mais s’ouvre sur un inepte duel de batterie entre Nick D’Virgilio et Jimmy Keegan, déjà limite chiant sur scène, mais carrément pénible sur disque. Une fois celui-ci zappé (et pour le coup facilement zappable), la musicalité reprend le dessus avec « On The Perfect Day », l’une des meilleures compositions de Spock’s Beard toutes périodes confondues. S’en suit une version très moyenne du pourtant énorme « Thoughts » (une jonglerie périlleuse très inspirée par Gentle Giant), quelques peu abimée ici par des vocaux poussifs et pas toujours en place, un comble pour Spock’s Beard dont le chant collectif est pourtant l’une des marques de fabrique. Puis on passe au sempiternel solo de Ryo Okumoto qui revient une fois de plus plomber l’atmosphère, avec une performance fadasse, sans relief ni idée, bref, complètement dénuée d’interêt et indigne du musicien déjanté. L’album s’achèvera avec le classique « The Doorway », autre extrait de l’excellent « Beware Of Darkess » (1996) avec ce « Thoughts » qui ne restera pas dans les annales, suivi de « June », ballade progressive à la mélodie imparrable (mais ici dénuée d’intensité, que se passe-t-il ?), avec son style typiquement américain emprunté à Crosby, Stills, Nash & Young.

Dommage que ce Spock’s Beard « phase 2 » tire sa référence avec un pareil gâchis, pas spécialement médiocre sur le plan musical (« X » est peut-être même exécuté trop « parfaitement »), mais sans âme, sans flamme ni étincelle de délire, bref, sans cette magie prodigieuse qui animait nos rois du monde dans un passé pas si éloigné. En effet, Nick D’Virgilio, occupé à plein temps avec Le Cirque Du Soleil, a préféré jeter l’éponge et passer le relais à Ted Leonard (Enchant) pour assurer le poste de leader vocaliste. Quant au très sympathique et tout aussi doué Jimmy Keegan, celui-ci se voit donc officiellement intronisé batteur permanent du combo, en lieu et place du rythmicien historique du groupe, au destin qui rappelle curieusement celui de Phil Collins et de l’aventure Genesis. En concusion, misons plutôt sur ce « reboot » très attendu de Spock’s Beard (la « phase 3 » donc !) et passons sur ce live dispensable, un de plus, à réserver donc aux seuls collectionneurs. A noter qu’il existe une version limitée accompagnée d’un DVD, histoire d’ajouter l’image, si vraiment vous souhaitez acquérir l’objet malgré toutes les réserves exprimées ici.

Philippe Vallin (4/10)

http://www.spocksbeard.com/

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