Solaris – Nostradamus : Book Of Prophecies

Nostradamus : Book Of Prophecies
Solaris
1999
Periferic Records

nostradamus

Solaris est un groupe rare, et qui de par sa rareté, a acquis un statut emblématique, pour ne pas dire « culte » avec les années, dans le milieu on ne peut plus confidentiel du rock progressif. Petit rappel historique. La formation musicale voit le jour en Hongrie en 1980, à l’initiative d’un trio d’amis étudiants, tout autant passionnés par le rock cosmique des années 70 que par la littérature de science-fiction. C’est cette dernière qui leur inspire à la fois le patronyme du groupe qu’ils montent ensemble (« Solaris » est en effet le chef d’œuvre de l’écrivain polonais Stanislas Lem, adapté à deux reprises au cinéma), ainsi que le titre de leur premier album, le désormais classique et excellent  « Martian Chronicles », d’après le livre du maître Ray Bradbury, qui nous a quitté il y a peu. Avant la production de cette œuvre marquante, Attila Kollar (flûte traversière et claviers), Istvan Cziglan (guitares) et Robert Erdész (claviers) font appel à une solide section rythmique en recrutant le bassiste Tamas Pocs et le batteur Laszlo Gömör, avec lesquels les trois compères entreprennent au préalable une importante activité scénique dans la région de Budapest, période durant laquelle ils vont porter leur style à maturité.

Presque entièrement instrumentale, la musique virtuose de Solaris enregistrée sur ce « Martian Chronicles » paru en 1983, est un formidable mélange de space-rock incisif très ouvertement symphonique, d’éléments empruntés à la musique classique (avec une flûte presque omniprésente), mais aussi de séquences électroniques et autres sons « futuristes » (pour l’époque j’entends) qui ne sont pas sans fortement évoquer le Tangerine Dream de l’après « Stratosfear » (197 ). Si le disque est un énorme succès en Hongrie avec pas loin de 40 000 copies écoulées (un chiffre totalement surréaliste aujourd’hui, qui ferait pâlir d’envie n’importe quel jeune groupe prog de par le monde !), il faudra attendre 1996, soit encore quelques années après la chute du mur, pour que l’album soit enfin disponible en pressage CD dans nos contrées occidentales. Les précédents travaux de nos doués Magyars seront édités dans la foulée sous la forme d’un double album très honorable baptisé « 1990 », avec l’indispensable composition fleuve « Los Angeles 2026 », ouvrage majeur à posséder pour tout fan de Solaris.

Puis, hormis la parution en 1996 d’un double live enregistré deux ans plus tôt, à Los Angeles justement, et à l’occasion du fameux « Progfest », le groupe reste durablement silencieux, jusqu’à ce qu’Attila Kollar, son emblématique flûtiste, ne sorte l’inattendu « Musical Witchkraft » (j’y reviendrai prochainemt dans ces pages), un opus solo fortement imprégné du style Solaris, en guise de prélude à l‘ambitieux et inespéré « Nostradamus : The Book Of Prophecies », livré à peine quelques mois plus tard, avec un line-up encore augmenté. Dans un premier temps, c’est la qualité du son de ce nouvel album qui impressionne, avec une groupe qui n’a pas lésiné sur les moyens de production. Il faut dire que globalement, Solaris n’a pas fait pas dans la demi-mesure pour illustrer par sa musique les prédictions de Michel de Nostredame, dit Nostradamus (encore un type qui nous avait annoncé la fin du monde et qui s’est bien planté tiens !) en proposant d’entrée de jeu une longue suite de 20 minutes, compilant et illustrant à elle seule tout le savoir-faire et le style hautement personnel des hongrois. On y retrouve l’emphase et les envolées symphoniques chères au groupe, faites de guitares et de claviers (orgue hammond et minimoog ne sont pas absents, même si la palette sonore se veut nettement plus moderne que dans les disques précédents), avec ici des chœurs grégoriens parfois un poil grandiloquents et envahissants (mais le syndrome « Era » est évité de justesse, ouf !), quelques petites touches électroniques en pointillés, très typées SF (ex : les vocoders robotiques), et, bien sûr, cette fameuse flûte virevoltante sans laquelle Solaris ne serait pas… Solaris !

Ajoutons à ce cocktail détonnant et hauts en couleurs quelques rythmes tribaux et sonorités ethniques (guimbardes, samples de chants rituels amérindiens du nord), et on obtient un passionnant voyage onirique dans le temps et l’espace, un peu à la manière du Mike Oldfield de « The Song From The Distant Earth » (encore une adaptation d’une oeuvre phare de la SF), en bien plus typiquement « progressif » toutefois. L’influence du génial musicien anglais qu’on ne présente plus est à mon sens très présente au sein de cet album, pas seulement dans le style général déployé, mais aussi dans le jeu, les mélodies, voir dans les sonorités même générés par les nombreuses guitares éléctriques et acoustiques. Cela ne m’avait pas spécialement frappé à l’époque de la sortie de « Nostradamus », mais à la réécoute à posteriori, c’est assez évident, et ce n’est pas pour me déplaire d’ailleurs. Excepté ce plat de résistance qui a déjà tout dit ou presque, les prophéties mises en musique s’enchaînent à merveille et galvanisent jusqu’au bout du livre, à condition de mettre au rebut cette anecdotique version « edit » en guise de conclusion, qui reprend le thème initial de la suite titre pour le réduire au simple format radio prêt à consommer, à savoir de la bonne soupe commerciale « new-age » qui cartonnerait sans aucun doute si on la jetait en pâture au grand public peu mélomane (le même qui achèterait un éventuel nouveau Era, avec son horrible sticker « vu à la télé).

Malgré cette « tentative », à mon avis sans opportunisme aucun, les œuvres de Solaris ne resteront à jamais que de biens belles arcanes qui, malgré leur côté  » vintage » assumé, continueront à fournir leur dose de plaisirs et d’émotions, faisant fi des modes et de l’air du temps. Un petit trésor de brocante à ranger dignement dans toute bonne collection qui se respecte, en attendant un hypothétique nouveau Solaris après la fin du monde de ce 21 décembre 2012 ? Comme je ne suis pas devin, je me risquerai pas (encore) à ce genre de prédiction. Allez, qui vivra écoutera !

Philippe Vallin (7,5/10)

http://www.solaris.hu/

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