Sleep Research Facility – Stealth

Stealth
Sleep Research Facility
2012
Cold Spring

Stealth

On l’aura attendu celui-là. Cinq ans en fait. les amateurs savaient que le projet n’était pas mort et que Kevin Doherty, seul maitre à bord, continuait son bonhomme de chemin. Il touche une chose, le gars. Il sait que la musique ambient, en général, est une expérience et un ressenti personnel. Soit. Mais plus que d’autres, il sait qu’il faut du temps. Ce temps là, mes agneaux, c’est celui de la composition, l’inspiration, la mise en place, l’idée. Bien loin derrière ceux qui sortent des albums le temps que j’écrive cette phrase… Une musique ambient laisse une trace dans sa durée, cette période où nous sommes livrés à nous-mêmes, cet instant où la composition prend place, vit, envahit l’espace, isole. Nous, on construit des « landscapes » dans le lobe gauche du cerveau.

« Stealth » fonctionne sur ce postulat. Doherty nous donne un fragment de concept et le laisse au prise de son flux électronique patiemment architecturé. La base, le Stealth Bomber, soit le bombardier Northrop B-2 Spirit, gigantesque construction militaire (52m de diamètre), avion furtif qu’on pourrait presque comparer à un drone ! Tiens, ça tombe bien, car du drone, il en est question. Fidèle à ses habitudes, Sleep Research Facility tisse un long parcours fragmenté en cinq pistes où chaque détail à son importance. Que ce soit de l’intervention radiophonique brouillée et autres parasites, courtes décharges électroniques, drone aérien, lenteur stratosphérique. On a vraiment l’impression d’être dans le ciel, un état d’entre-deux, dans un cockpit durant un vol. On ressent cette sensation de vitesse alors que tout parait pesant, arrêté même. Participation à une mission imaginaire, à moins que ce soit le moyen de contempler le ciel, d’effleurer les nuages, de les défier ? Pourfendre l’air, son immatérialité au milieu de ces messages humains, devenant incompréhensibles, fantomatiques. En même temps, C’est une menace… Un rapace se préparant à fondre sur sa proie, larguant ses engins de mort tels des serres. Beau et effrayant, méditatif et angoissant à la fois. Ce minimalisme qui enfle, ces vibrations qui irriguent cette ossature de combat, on se sent pris en étau, une capsule au milieu du vide. « Stealth » est subjuguant, un rêve d’une boite en apesanteur, sans chute ni montée, un objet qu’on écoute au casque pour un rendu maximal, où interstices et échos électroniques sont multiples. Franchement, ça vallait bien la peine d’attendre cinq ans…

À noter que l’album sort avec un disque bonus intitulé « Source ». On ne s’en trouve pas plus dépaysé, si ce n’est par ce côté plus strident et industriel. Plus compact néanmoins et difficilement cernable, » Source » est un making-of apre et filtré pour ceux qui voudront prolonger l’expérience « Stealth » (le casque se révèle même obligatoire). Sur ce, excusez-moi, mais  je termine de mettre ma combinaison.

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://www.resonance-net.com/

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