Reyn au Théâtre La Flèche – 22 novembre 2022
22 novembre 2022
Franck Houdy & Delphine Lucas
Reyn au Théâtre La Flèche – 22 novembre 2022
Après l’avoir découvert dans une forme piano-voix sur la scène de l’Olympia pour quelques titres planants présentés en première partie du concert de Stephan Eicher, dont il est musicien et arrangeur, quel bonheur de retrouver les atmosphères envoûtantes de Reyn dans cette petite salle du 11ème. L’artiste est cette fois accompagné sur scène de plusieurs machines autour de ses deux claviers : un piano droit et un petit bijou de technologie découvert en France, Osmose de chez Expressive E. Ce « clavier du futur » réagit aux vibrations impulsées par les doigts du musicien et restitue des vibratos, à l’instar de la guitare. S’il est pianiste, compositeur et réalisateur, Reyn est aussi un « graphiste du son » de talent. Il a composé plusieurs musiques de films, de téléfilms et de jeux vidéos, collaboré avec et pour de grands noms de la chanson comme Stephan Eicher déjà cité, Vanessa Paradis, Gaëtan Roussel, Benjamin Biolay ou encore Alex Beaupain. Notons que ce multi-instrumentiste talentueux œuvre également pour le Amsterdam Sinfonietta et le Residentie Orkest de Hollande dont il assure les orchestrations philharmoniques.
Sur la scène de la Flèche, c’est en toute simplicité que Reyn nous accueille et nous fait entrer au cœur de son antre dédiée à la musique et aux images qu’elle suscite. D’emblée la sensation d’entrer dans un atelier d’artiste nous saisit. Nous voilà conviés à observer comment il travaille, façonne et laisse jaillir les notes et les harmonies en toute liberté. Les pianos et les machines qui l’entourent figurent un cockpit depuis lequel l’artiste nous emmène tout en douceur à voyager dans son univers enveloppant aux accents mélancoliques. Reyn invite le public à fermer les yeux sur les tout premiers morceaux du concert et, dociles, nous nous laissons porter par des harmonies aux saveurs ambient, surpris d’entendre chaque touche de son piano délivrer des sons arrangés, bidouillés, trafiqués avec soin. Les graves de son piano se teintent à la façon d’une vraie basse et aux couleurs et sonorités d’une guitare tandis que les médiums et aigus s’enveloppent dans des effets réverbérants et rythmiques. On entend ainsi pointer, sous la note jouée, comme le grain d’un balai frappant la caisse claire. De quoi vous envelopper en quelques secondes d’une magie inédite et vous inviter à observer tout ce qui se dessine à l’intérieur de vous.
Après nous avoir offert une première partie de spectacle les yeux fermés, Reyn entame un set au cours duquel il mêle musique et vidéos, dans lesquelles des paysages viennent se superposer ou se répondre en miroir. Les images qui l’accompagnent en direct nous racontent la violence de la vie et des villes « Sans Abris », l’attachement aux souvenirs, la perte de repères, les grands espaces, le mouvement perpétuel « Rencontre Fortuite » et l’importance de voir la beauté du monde « Ciel Rouge En Décembre ». L’électro s’invite au fil du concert, à travers l’utilisation de ces machines qui élargissent d’autant plus le champ de recherche et d’expression de l’artiste, sans jamais abandonner la mélodie et la beauté mélancolique que tisse son artisan. Passée cette étonnante démonstration, Reyn nous demande de choisir une tonalité, un mode et un temps avant de se lancer dans une improvisation endiablée. Ce soir-là, la salle propose le Si mineur (Bm) en tempo 120, prétexte à une session électro haute en couleurs et tourbillonnante.
Non sans avoir pris le temps de revenir à son piano pour terminer son concert, Reyn nous joue deux reprises pour clore la soirée : The Korgis et leur fameux « Everybody’s Got To Learn Sometime » ainsi que « Holocene » de Bon Iver. Deux choix de chansons qui lui vont à ravir et viennent poser le point final à une soirée en apesanteur que l’on aimerait laisser se poursuivre jusqu’au bout de la nuit.