Rebellum – The Darknuss

The Darknuss
Rebellum
2014
Autoproduction

Rebellum

Vous aimez George Clinton et Sly & the Family Stone mais vous recherchez désespérément des successeurs à ces dignes représentants de la p-funk ? Et bien voici un nouveau venu qui va prouver que la p-funk est loin d’être l’apanage d’une poignée de groupes, et qui est prêt à assurer la relève. Cependant, loin de reprendre les codes du genre, Rebellum, car c’est ainsi que le groupe en question a été baptisé, y ajoute sa touche personnelle. En effet, leur musique est infusée d’influences variées, essentiellement issues de la « black » music, à savoir gospel, jazz, hip-hop, r’n’b et trip-hop. Plus étonnamment, on retrouve également ici de la chill out (le bien tonique « Young Fraknenstank » avec l’invité de marque Vernon Reid), mais cela fait partie de l’esprit aventureux et sans limite de nos joyeux drilles. Par ailleurs, le groupe décrit lui-même sa musique comme, retenez votre souffle, « grown & sexy avant-agit pop bursting with warped soul harmonies, freedom-swing horn play, maggot-brained guitar implosions & arkestral loopadelics in the dark ». C’est donc tout un programme qui nous attend et, comme vous allez le voir plus loin, cette description est loin d’être usurpée.

Et comment décrire cet album ? Et bien, c’est un véritable hymne à la joie et à la musique, avec ses voix enlevées, ses rythmiques dansantes et ses solos inspirés, que ce soit dans le synthé, la guitare ou le saxophone pour ne citer que ces instruments. Grâce à la diversité des ambiances, on ne s’ennuie pas un suel moment. Depuis la ballade poignante piano-voix « Somebody To Love » (plus loin sur l’album retravaillée dans une version r’n’b tout aussi réussie) jusqu’au trip-hop spectral de « There Is A God (The Singularity) » et en passant par le nu-jazz serein de « Guelph » et le hip-hop lancinant de « Who’s Loving You Now? », c’est une oeuvre riche qui passe en revue une grande variété de styles musicaux, autant avec humour qu’avec sérieux.

Rebellum Band

Toute cette effervescence se fait cependant sans se répandre sur le terrain du grand chambardement d’un Mr. Bungle, on reste dans un cadre encore bien maîtrisé mais ô combien jouissif. Sur le plan du chant, beaucoup de voix féminines oeuvrent dans un style plutôt soul ou gospel, de très bonne facture et du meilleur effet. Les voix rap, quant à elles, ne sont pas dans un style « m’as-tu-vu » avec un flow à 10 mots à la seconde, elles sont même plutôt élégantes avec leur scansion langoureuse sur « Rockstar Amnesiac » ou « Spank A Lick », ou encore sépulcrale genre Tom Waits après avoir aligné une multitude de bourbons sur « Ten Times Left ». Bref, là encore, cela reste de la belle ouvrage artisanale, loin d’un amateurisme d’ados désœuvrés qui font du hip hop pour faire passer le temps et dans l’espoir de se faire un nom dans le monde du show-biz avec des rimes « cheap » et des mélodies en carton-pâte.

J’évoquais le jazz plus haut, on se délectera en effet des sonorités chaleureuses d’une guitare montgomeryenne sur « Gyuto » ou de ce saxophone coltranien de toute beauté sur « Somebody To Love ». Plus loin, on se remémorera les moments les plus déjantés de Praxis sur « Start Thinking Like An Afreakun » avec ses samples de guitare saturée, ses brisures soudaines, et sa flûte sortant de nulle part. Quant au duel passionnel saxophone-guitare sur « Heart Seed » ou ces envolées free des claviers sur la version mix Courtney Smokehouse de « Spank A Lick », elles malmènent avec sadisme une musique plutôt chill out dans l’esprit.

A l’image de Janelle Monaé, mais n’hésitant pas à pousser le bouchon encore plus loin sur le plan du brassage inter-styles et des ambiances, voilà donc un album qui prouve que l’on peut faire du très inspiré avec du « commercial », et ravira toutes les oreilles curieuses de sons hybrides qui ne versent pas dans l’expérimental stérile tout en restant dans un contexte créatif et communicatif. Assurément une des plus belles découvertes de cette année.

Lucas Biela (10/10)

https://rebellum.bandcamp.com/album/the-darknuss

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