Radiohead – Amnesiac

Amnesiac
Radiohead
2001
EMI

Radiohead – Amnesiac

La bande de Thom Yorke n’a jamais cessé, depuis le référentiel « OK Computer », de faire progresser (au sens étymologique du terme) sa musique. Que l’on aime ou pas l’univers sonore si particulier de Radiohead, personne ne peut cependant en effet remettre en cause ce constat tout simple que le groupe est un véritable pionnier en matière d’expérience musicale innovante à l’aube de ce nouveau millénaire, tout comme ses aînés ont pu l’être dans les early seventies (la liste est longue, époque oblige !). Mais à la différence des groupes progressifs actuels qui prennent le parti d’un anachronisme volontaire, celui ci sait évoluer avec son temps, avec une approche créative typiquement contemporaine qui ne cesse de nous étonner (ex : le recours à l’électronique dans son fameux « Kid A », véritable pavé lancé dans la mare de la polémique).Mais revenons en plutôt au sujet qui nous intéresse : le chenille brit-pop de « Pablo Honey » s’est donc métamorphosée lentement mais sûrement, à l’instar de l’incroyable Björk un peu plus haut vers le nord, en un superbe papillon, apôtre de la fusion et de l’expérimentation tous azimuts. Dans la foulée du très cérébral « Kid A » (cérébral peut être, mais certes pas si hermétique que certain voudraient bien le faire croire), le groupe signe aujourd’hui avec « Amnesiac » un nouveau manifeste de rock ambitieux et aventureux, qui n’a pas son pareil dans la production rock actuelle. Faisant son miel de la modernité, le combo incorpore ici à son oeuvre des influences électro ambiant manifestes (Aphex Twin, SquarePusher, Future Sound of London) et se fait plus que jamais le chantre d’une hybridation stylistique tous azimuts, et ce avec un déconcertant brio.

Ainsi, là où « Pull/Pulk Revolving Doors » lorgne du côté d’une techno-pop sous acides et où « You And Whose Army » possède un feeling rétro évoquant les clubs de jazz enfumés des années 1920, « Life In A Glass House », aux arrangements de cuivre de toute beauté, vous a des allures de gospel made in New Orleans. Vous voilà donc prévenus : le menu est tout autant halluciné qu’il est hallucinant ! Et la musique n’a de cesse de surprendre au fur et à mesure que les plages se succèdent, ce durant 43 (trop ?) courtes minutes.

Car en effet, le reste de l’album s’avère tout aussi éclectique et abouti. Dès les premières mesures du titre d’ouverture « Packed Like Sardines In A Crushed Box », dont le beat et la mélodie raide barrée renvoient autant à « Idioteque » qu’à « Everything In The Right Place », la formation impose ainsi un son et un style à nul autre pareils (même si cette introduction en la matière n’aurait pas fait tâche sur l’excellent « Exciter » de Depeche Mode, autre génie de la remise en question créative). De ce côté là, on peut même affirmer sans problème que Radiohead va beaucoup plus loin dans la prise de risque qu’un Porcupine Tree, lui aussi avant-gardiste, mais qui affiche davantage ses influences, tant soit que celles ci sont on ne peut mieux digérées.

A son aise aussi bien dans un rock évolutif mariant brillamment concision et sophistication que dans une pop atmosphérique surfant sur les crêtes du désespoir existentialiste, Radiohead réussit avec « Amnesiac » un pari risqué, qui était loin d’être gagné d’avance. Celui consistant, une année à peine après la parution d’un « Kid A » jugé par certains trop radical, à conjuguer brillamment un sens inné de la mélodie qui va à l’essentiel et des velléités résolument expérimentales. Imparable !

Bertrand Pourcheron et Philippe Vallin (8,5)

 

 

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