Overhead – Telepathic Minds

Telepathic Minds
Overhead
Auto production
2023
Thierry Folcher

Overhead – Telepathic Minds

Overhead Telepathic Minds

Comme par hasard, c’est en Finlande que je vous emmène. Après la parenthèse jazz du Valtteri Laurell Nonet, superbe et nostalgique, c’est au tour du rock progressif épique d’Overhead de venir me titiller les neurones et confirmer tout le bien que je pense de ce petit pays d’un peu plus de cinq millions d’habitants. Et c’est presque avec satisfaction que j’ai appris qu’il était, d’après l’ONU, le pays le plus heureux du monde. Comme quoi, la musique a besoin d’un environnement favorable pour bien s’exprimer. A moins que ce ne soit elle, le moteur du bonheur. Mais revenons à Telepathic Minds, le magnifique et généreux sixième album de nos amis finnois. Quand je dis généreux, je pense d’abord aux 89 minutes du disque mais aussi au ressenti que l’on a en écoutant cette musique pleine de fougue, de lumière et de maestria. Overhead est né il y a un peu plus de vingt ans et a commencé à se faire connaître grâce à la trilogie Zumanthum (2002), Metaepitome (2005) et And We’re Not Here After All (2008), un remarquable travail qui a enflammé les critiques locales, puis celles du monde progressif tout entier. Maintenant, pourquoi ce disque et ce groupe se démarquent-ils des schémas rabâchés et des clones sans âmes qui viennent polluer un genre qui commence sérieusement par se mordre la queue ? La meilleure des réponses est d’écouter le titre « The Pilot’s Not Fit To Fly » pour comprendre qu’ici on est ailleurs, dans un autre monde avec des références évidentes et une force du tonnerre qui allie mélodie et rythmique comme je ne l’avais plus entendue depuis longtemps. Pour tout vous dire, c’est en découvrant ce morceau que j’ai décidé de chroniquer Telepathic Minds. Les deux points forts d’Overhead sont Alex Keskitalo, le chanteur emblématique qui accapare l’attention ne serait-ce que par ses passages à la flûte qui rappellent Ian Anderson de Jethro Tull (voir la pochette du Live After All de 2009) et puis Jaakko Kettunen, virtuose de la guitare et contre-poids parfait à ce binôme de très grande classe.

Overhead explose sur scène et ses prestations, souvent filmées, rappellent les grandes formations progressives à leurs débuts. Il y a une part de naïveté touchante où subsiste encore quelques tâtonnements et une impression rassurante que tout est en devenir. Je ne me fais pas d’illusion sur l’avenir de ce groupe et je sais très bien que malgré des qualités indéniables, il ne dépassera jamais le cadre d’un rock progressif tristement cloisonné. Cela dit, comme son nom l’indique, il est bien au-dessus de la mêlée et vole très haut dans le ciel. Selon ses dires, Telepathic Minds fait écho aux temps agités auxquels il doit sa création. Que ce soient la pandémie ou la guerre en Ukraine, il y a de quoi s’exprimer, même si cela devient par moments, un peu redondant. L’album débute sans équivoque par « War To End All Wars », une réflexion poétique sur les traumatismes liés aux conflits avec pour conclusion la nature humaine qui ne changera jamais. Côté musique c’est percutant et bien ficelé. Le morceau idéal pour lancer un album très dense qu’il faudra maîtriser avec patience et de nombreuses écoutes. Les ressemblances les plus frappantes ce sont vers Kansas ou vers Marillion qu’il faut aller les chercher. En particulier sur l’utilisation des claviers de Jere Saarainen qui à l’instar d’un Mark Kelly s’applique plus à créer des climats que de se lancer dans des raids en solitaire. On remarque aussi une certaine tendance à vouloir muscler une partition qui baigne la plupart du temps dans une ambiance symphonique. Pour moi cela ressemble à un appel du pied vers certains « métalleux » ouverts d’esprit. Overhead souhaite convaincre le plus large auditoire et force est de constater qu’il y parvient pleinement. L’enchaînement avec « Ghosts From The Future » se fait en douceur et avec les mêmes intentions. Les alternances entre accalmie et violence sont de mise et même si rien de bien nouveau ne se profile à l’horizon, les presque treize minutes filent sans ennui.

Overhead Telepathic Minds Band 1

Ensuite, « Sail Across The Universe » et surtout «  The Pilot’s Not Fit To Fly » vont sortir Overhead d’une musique un peu trop convenue et proposer de délicieux passages plus aventureux. Et du coup, les trouvailles soniques mettent l’auditeur dans une situation d’attention décuplée. On est là dans du rock progressif comme on l’aime, surprenant et jamais à court d’idées. Pour sa part, la rythmique composée de Ville Sjöblom à la batterie et de Janne Katalkin à la basse se porte à merveille et fait le boulot, comme on dit. La première partie (ou le premier CD) s’achève par « Sleep Tight Sweetheart », un petit câlin atmosphérique, pas très gai il est vrai, mais où se distinguent le ronron d’une basse bien ronde et les inspirations d’une guitare quasiment en live. On change de support et nous voici face au plat de résistance avec les dix-sept minutes du morceau titre « Telepathic Minds ». Une longue épopée un peu tordue dans les lyrics mais ultra symphonique dans la musique. Le chaud et le froid sont encore à l’œuvre et l’amateur de prog classique se régale. La troisième partie est ultra rythmée et nous rappelle un peu les norvégiens de Gazpacho. Juste après, c’est au vieux King Crimson (« Epitaph ») que l’on songe avant que Jaakko Kettunen nous assène un solo du tonnerre rayonnant de majesté. Cela se termine comme souvent en apothéose et les gens sont debout. C’est incroyable comment Overhead donne l’impression d’être toujours en live, même dans ses enregistrements studio. Cela fait partie de son ADN et ce n’est pas étonnant qu’il soit parmi les groupes progressifs qui tournent le plus. Pas le temps de se reposer sur ses lauriers que le court « Tuesday That Never Came » assure une transition assez calme avec une dernière partie lancée à toute allure par la flûte virevoltante d’Alex Keskitalo sur « Planet Of Disorder ». Il est certain que cet instrument est un plus, surtout dans son utilisation à la fois très rock et très lyrique. C’est le cas sur « Sheep Stay Silent », le titre le plus métal du disque et sur « Almost Always Near The End » qui conclue souverainement et sur les chapeaux de roue un Telepathic Minds vraiment passionnant.

Overhead Telepathic Minds Band 2

En conclusion, je dirais que le cas Overhead est significatif de la difficulté que l’on a aujourd’hui à appréhender une scène progressive foisonnante de talents à travers le monde. C’était bien plus facile dans les années 70 où le tout jeune consommateur de musique que j’étais n’avait aucun mal à faire le tour des indispensables à écouter et à faire connaître. La douloureuse constatation est que je suis absolument certain de passer à côté de quelques pépites qui mériteraient autant d’attention que ce Telepathic Minds de très bon niveau. Mais c’est comme ça et il faut l’accepter. Il faut s’en remettre à la bonne pioche et pourquoi pas, à cette part de hasard qui dans le cas de nos amis finlandais a très bien fait les choses.

https://www.overhead-band.com/

 

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