Neutral Lies – A Deceptive Calm

A Deceptive Calm
Neutral Lies
BOREDOMproduct
2010

Neutral Lies A Deceptive Calm

Je vous avais déjà parlé en octobre 2015 de Neutral Lies, duo electropop lillois composé de Jean-François Dean (synthés, programmation et chœurs) et de Nicolas Delbarre (chant, synthés et programmation), c’était à propos de leur deuxième album, Cryptex, sorti en 2013. Le terme Cryptex renvoie éventuellement à Léonard de Vinci et au Da Vinci Code, tous deux grands synonymes d’ingéniosité fabuleuse et de savoir-faire extraordinaire, ce qui est bien ce que je pensais aussi de Cryptex, l’album. Mais à quoi renvoie donc le terme A Deceptive Calm, titre du premier album de Neutral Lies ? C’est là tout le mystère de cet opus, et tout son délice. Quel est donc ce calme trompeur ? Est-ce donc celui d’une société moderne, calme en apparence, mais prompte à la révolte ? Est-ce donc celui d’un amour, partagé en apparence, mais proche de la rupture ? En vérité, ce calme trompeur est partout, il est en nous, il nous entoure. Rien n’est vraiment ce qu’il semble être, et la désillusion est pour bientôt. Pour le meilleur ? Pas si sûr. Aussi est-ce un présent paradoxalement nostalgique que chante Neutral Lies. Comme si tout devait durer toujours, comme si rien jamais, ne devait s’effacer, disparaître, s’effondrer.

Ai-je parlé d’electropop ? Certes, ce n’est pas faux. Mais c’est aussi un tantinet réducteur. Car il faudrait plutôt évoquer un mélange, plutôt bien équilibré d’ailleurs, d’Absolute Body Control, de Nitzer Ebb, de Kraftwerk et de Depeche Mode. Autant comprendre que les compositions de Neutral Lies sont tout à la fois travaillées, riches et subtiles. Bien sûr les synthés sont omniprésents, c’est le style, et il est fièrement assumé. Mais c’est là où l’ingéniosité et le savoir-faire font merveille. Les séquences sont toujours parfaites et les solos tirés au cordeau. Rien ne dépasse, rien ne manque, tout est en place, rigoureusement. Le chant fait beaucoup aussi, précis, chaud, émouvant. Il est ici tel un Yin d’humanité entremêlé à un Yang synthétique indissociable, la face fragile, de chair et de sang, d’un composé volontiers plus électronique et désincarné. D’aucuns trouveront cependant le style un peu clinique et dépassé, usé jusqu’à la corde depuis la fin des années 80. Mais, à l’instar du rock, electropop is here to stay. Ainsi, ces critiques ne sauraient faire tanguer notre duo, de vrais amis d’enfance. D’ailleurs, Kraftwerk n’arrête pas de donner des concerts et Depeche Mode continue de se renouveler d’album en album. Neutral Lies est donc prêt à durer et à couler ses chansons dans l’éternité.

Neutral Lies A Deceptive Calm Band

Néanmoins, qu’en fut-il donc exactement de A Deceptive Calm, sorti en 2010 ? Sans mentir, pour un premier opus, ce fut un coup de maître. Comme un diamant, certes un peu sombre, mais sans défaut. Il faut dire que Member U-0176, colonne vertébrale de BOREDOMproduct, artisan passionné, patient, expert et exigeant du son électronique y a méticuleusement veillé. Dès lors, Neutral Lies y donne sa pleine mesure, distillant avec méthode et maîtrise sa pop synthétique parachevée d’un chant touchant et prenant. Le meilleur exemple qui me vient à l’esprit en est « (In Your) Neutral Eyes ». La voix de Nicolas Delbarre y est ciselée comme un mantra pétri d’amertume survolant une ligne de synthé glaciale et lancinante. L’amour, toujours l’amour, mais dans sa version crue, épurée, et si humaine en même temps. La production est si fine et si habile qu’elle en devient diaphane. « Commuters » est un autre exemple remarquable de cette communion belle et parfaite entre le chant et son environnement synthétique, encore que dans cette chanson la voix y est plus blanche et atonale. Elle ne se conforme en réalité qu’à notre mode de vie aseptisé, dominé par le reflux des sentiments, des goûts et des aspirations. Notre société est tissée de mensonges neutres (neutral lies), de tromperies dont nous nous accommodons fort bien au quotidien. Même dans nos amours, le mieux est de faire comme si de rien n’était pour que tout continue comme avant. Au moins, les compositions de Neutral Lies se veulent vraies, ressenties, et tant pis pour la douleur, car elle nous rappelle notre statut d’êtres sensibles, si sensibles.

Frédéric Gerchambeau

http://www.neutrallies.online.fr/

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