Neurosis – The Eye Of Every Storm

The Eye Of Every Storm
Neurosis
2004
Neurot Recordings

Neurosis – The Eye Of Every Storm

Il y a quelque chose de vraiment frappant, à se faire le saut d’Yves Klein, quand on est de près et de loin avec Neurosis. Certaines chroniques fleurissent un peu partout sur la toile sur les derniers albums studios des chamans barbus, s’accordant, plus ou moins, sur un point. Qu’on soit déçu (ou pas), une substance résiste, et fait que finalement on aime le dit album après plusieurs écoutes. Mais, après tout, est-ce qu’il faut s’attendre à quelque chose qui n’a plus lieu d’être depuis le début des années 2000 ? Cela l’est d’autant plus avec « The Eye Of Every Storm ». En 2004, on s’accordait que deux, trois titres sortaient du lot, et puis basta, changeons de crèmerie. Mais en réécoutant l’album, je me rends compte qu’on connaît les titres quasi par cœur, sans faire le moindre effort. Mon cas est incurable, je sais bien. Neurosis nous pond là son album le plus atmosphérique, introspectif même. Le hardcore ? Que dalle. Le metal ? Encore moins.

« The Eye Of Every Storm » est un long climat pétri d’ambiances éthérées. Déambulation dans un brouillard opaque, tempête dans un crâne. On s’y perd mais pas de la manière dont la plupart voudraient, ou l’auraient souhaitée. On s’y égare parce que tout est fumée et aveuglement. Volutes folk à la guitare électrique, étirement du temps, silence palpable, touches post-rock sans le côté « ouin ouin qu’est-ce que je suis triste« . Rien n’est matériel si ce n’est sensible. Si on cherche à attraper une mélodie, elle se diffuse et se disperse entre les doigts, avant d’être aspirée dans un espace d’aridité. Forcément, on attend la tempête qui n’arrivera pas, physiquement du moins. Les voix sont majoritairement claires, angoissées, rocheuses, effritées, pataudes presque.

« The Eye Of Every Storm » est une ombre changeant de place, mouvante. Tantôt derrière, tantôt devant, mais jamais statique, avec son caractère diffus. On laisse, on respire, à grande goulée. Prends ton temps, le vent en pleine face. Le style s’épuise autant que je reviens à Neurosis sans arrêt à la frontière de l’inconscience. C’est peut-être sur celui-là qu’on entendra les plus beaux titres, ceux qui germent après avoir été semés, les plus touchants, au ressenti fragile. C’est sur celui-là que les parties électroniques de Josh Graham sont parties intégrantes jusqu’à devenir moelle épinière et structure des morceaux, discrètes, organiques, et cependant omniprésentes.

Putain de merde ! « The Eye Of Every Storm » fait un effet ! D’ailleurs, il EST effet. Du Peyotl au casque, de l’ingestion par les oreilles, paupières qui ne se ferment pas. Des vibrations qui massent le cortex et tendent les muscles, rendant l’enveloppe physique mélancolique et désuète. Un album épuisant tellement il donne, scanner de l’encéphale sur ampli. Un album beau, beau comme une tornade qui se dessine et qu’on chercherait à happer.

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://www.neurosis.com/

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