Moodie Black – Nausea

Nausea
Moodie Black
2014
Fake Four Inc

Nausea-Album

Mercredi 3
7h15
Temps : couvert. Température : 13°c.
Banlieue résidentielle. L’air est vicié et pue. Diésel, bennes à ordures non ramassées due à la grève des éboueurs, alcool flottant et poil de chien mouillé. Trop tôt pour sortir, trop tard pour se cacher. Les plus matinaux sont dehors, attendent le bus, amassés. Certains indices admettent le fait qu’une matinée débute. Boulanger, premiers cris d’enfant, mécanique d’une usine de traitement chimique, déchargement de livraisons.
7h20
Arrivée du fourgon sur la rue. Allure modérée, vitesse respectée, passants ralentissant. Le feu passe au rouge, le fourgon s’arrête. Un chat errant et borgne en profite pour se faufiler entre les roues du camion.
7H22
Le fourgon démarre au vert, première, deuxième et s’engage en crachotant dans le carrefour.
Temps : pluie fine.
Un chauffeur perd le contrôle de son utilitaire. Le véhicule zigzague, un coup sur la droite, dérape, frappe une poubelle débordants de déchets recyclables, éparpillant les détritus dans la rue, chancelle et finit par percuter sur le flanc gauche le fourgon.
7h24
Silence suspendu par l’alarme de l’utilitaire. Le chauffeur ouvre la portière, pose un pied au sol et s’étale face au bitume, blessure visible sur la tempe. Trois convoyeurs sortent du fourgon, toussent et se massent les épaules. L’un se tient le poignet. Le copilote s’approche de l’homme au sol. Le radiateur du véhicule fuit, se déverse. Un sifflement strident se rajoute à l’alarme assourdissante. Peu ou pas d’animation à observer. Une ou deux têtes curieuses à des fenêtres de séjour. Des chiens hurlent, retenus par leurs chaînes.
Péniblement, le convoyeur approche, pose un genou sur le sol, penche la tête et pose sa main sur l’épaule de l’homme couché.
7h25
L’homme se retourne, sa main droite tient un pistolet, fabrication russe, muni d’un silencieux. Il pointe, directement sur le front, appuie. Plop. La moitié du crâne du convoyeur se détache, le sang éclabousse, le corps semble tenir sur le genou, comme après un gag de cartoon, avant de s’affaisser sur le côté.
Les deux autres convoyeurs sortis du véhicule écarquillent les yeux, cherchent maladroitement à sortir leurs armes de service coincées dans leurs étuis de cuir.
Plop. Plop… Deux tirs, rapprochés.
Les convoyeurs s’effondrent. L’un a reçu la balle dans l’œil, l’autre à la base du crâne. Une grenade fumigène atterrit à proximité du fourgon. Premiers cris et signes d’alerte dépassant le hululement de l’alarme. Des gens sortent de leurs pavillons. Deux autres silhouettes entrent dans le carrefour, manteaux longs, treillis, masque de Leatherface au visage. Le chauffeur se relève et se met un masque à gaz. Tous se déplacent vers le fourgon. Détonations assourdissantes d’une arme automatique venant du véhicule, rafale de balles dans l’air. Les hommes se couchent et vident leurs chargeurs du côté de la porte du conducteur. Silence, l’alarme a stoppée. Une main ensanglantée pendouille mollement, le corps criblé de balles, tête et visage déchiquetées.

Nausea
7h26
Les deux hommes plastiquent la porte du fourgon. Nouvelle détonation. Souffle d’explosion. Davantage de gens sont dans la rue. Sonneries. Plusieurs sacs sont sortis. Un véhicule, non immatriculé, se positionne à cinq mètres de la scène.
Le chauffeur de l’utilitaire dégoupille une, deux, trois, quatre grenades fumigènes et les lance vers les habitations les plus proches. Les riverains rentrent dans leurs foyers, se cachant sous la table de la cuisine, dans le placard, aux toilettes.
7h27
Dans le brouillard artificiel ainsi créé alors que se répand une odeur d’essence, de chair fumée et de poil grillé, un des hommes au masque de Leatherface pointe son arme vers le chauffeur, alors de dos. Plop. Le chauffeur s’effondre comme une poubelle trop remplie, sa mâchoire gisant à deux mètres de lui. Plop. Instantanément, l’autre acolyte se fige et tombe, un trou à la place du front. Le pilote du véhicule non immatriculé sort un bidon d’essence à la main. Rapidement, il asperge le corps de ses deux complices. Cris de femme, pleurs d’enfants. Un écho se fait entendre. Masque de Leatherface entrepose les sacs dans le coffre du véhicule non immatriculé. Six au total. Fermeture du coffre. Installation au poste de copilote.
7h30.
Le conducteur du véhicule non immatriculé sort une allumette, l’enflamme, puis c’est au tour du paquet entier d’y passer. Puis il le jette sur le premier corps. Combustion rapide, une nouvelle fumée fait son apparition. Odeurs de viande, gasoil, cris de plus en plus stridents, signes évidents d’agitation. Une sirène se fait entendre au loin, suivie d’une autre et encore une autre. Distance : 500 mètres.
Démarrage du véhicule non immatriculé, direction nord-est. Une odeur de gomme sur l’asphalte.
7h35. Temps : Pluie soutenue. Température : 14°c.
Sirènes, cris, alarmes, sonneries, aboiements, hurlements, sanglots, ordres, pleurs, klaxons, vomissements.
Mercredi 3. Six morts violentes dont deux corps calcinés jusqu’au trognon…
Nausée… Jean-Paul Sartre est cité aux informations. On dit que c’est un journaliste…

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://fakefour.bandcamp.com/album/moodie-black

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