Marillion – Seasons End

Seasons End
Marillion
1989
EMI

Marillion – Seasons End

Au lendemain du départ de Fish, l’ombre de Genesis a, une nouvelle fois, promené sa silhouette fantomatique au dessus de Marillion et les esprits les plus retords se sont demandé si Ian Mosley allait remplacer au chant le géant écossais de la même manière que Phil Collins avait pris la place laissée vacante par Peter Gabriel en 1975. Il n’en a rien été et le départ du poisson, dont la personnalité vocale charismatique, le magnétisme exercé sur le public en concert et la force d’évocation poétique ont laissé un vide immense a marqué une scission très nette dans la carrière de Marillion. Il y aurait désormais, après sept ans (chiffre magique) d’une collaboration touchant à la plénitude, une ère avec Fish et une ère après Fish dans la carrière du gang britannique. Plutôt que de chercher un clone du géant écossais, Marillion s’est déniché un fameux chanteur en la personne de Steve Hogarth qui, s’il était physiquement l’antithèse de Dereck William Dick, possédait un registre étendu et une voix claire et pleine de feeling s’intégrant à merveille à la musique du combo. D’un point de vue visuel maintenant, les superbes peintures de Mark Wilkinson ont cédé la place à une succession de photos contenant moult références au passé et empreintes d’un symbolisme pas si innocent que cela ! La plume de l’écrivain qui s’envolait dans le désert, le caméléon en danger sur sa tige au milieu des flammes, le tableau du clown triste présent sur la pochette de « Fugazi » et qui coulait dans un étang tranquille : chacun a eu tout loisir de s’interroger sur la signification de ces clichés ! Et que signifiait cette mer à l’arrière-plan qui déchaînait son ventre : les remous qui venaient d’agiter la formation et qui avaient emporté les symboles ?

Au niveau musical maintenant, et c’est là l’essentiel, le départ du poisson n’a pas engendré la moindre révolution de palais chez Marillion. Il faut dire que l’alchimie musicale a toujours reposé sur Mark Kelly et Steve Rothery. C’est pourquoi « Seasons End » s’est inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs directs et est apparu comme une constante redistribution des facteurs de leur réussite. C’est ainsi que le morceau phare est apparu à certains comme une version plus aboutie de « Sugar Mice » alors qu’on pouvait reconstruire « The Space » à partir de « White Russian » ou « Berlin » à partir de « Fugazi » (le morceau)… Mais la bande à Steve Rothery a brillamment évité les autocitations grâce à son génie mélodique et à un art consumé de la construction savante ménageant de rutilantes montées vers l’extase (« The Space ») !!! A ce sujet, le groupe s’est dirigé vers deux directions : d’une part les pièces épiques de sept à huit minutes où il se montrait agréablement volubile (« The King Of Sunset Town », « Seasons End », « Berlin ») et, de l’autre, des morceaux plus ramassés de trois à quatre minutes (« The Uninvited Guest », « Holloway Girl », « After me ») où concision n’a jamais rimé avec compromission, sauf sur « Hooks In You » où Marillion s’est déguisé en Foreigner. Si ce titre avait été remplacé par le sublime « The Bell In The Sea » (présent sur le disque bonus de l’édition remasterisée), cette cuvée 1989 eût sans doute obtenue la note maximale !

Quant aux textes, on était loin du style alambiqué et égocentrique de Fish. Les lyrics de Hogarth et du parolier John Helmer s’orientaient en effet vers une expression plus simple de préoccupations politiques, sociologiques ou écologiques. Ainsi « Easter » évoquait le déchirement irlandais, « Seasons End » les méfaits du progrès sur l’écologie, et « The Uninvited Guest » n’était autre qu’une subtile parabole sur la mauvaise conscience de l’homme moderne. Et l’évocation de ses sujets souvent moroses était en parfaite adéquation avec les ambiances le plus souvent mélancoliques de ce CD.

Au final, « Seasons End » se présentait comme une œuvre superbe, sans être un chef d’œuvre, et on y retrouvait Marillion tel qu’en lui-même, sûr de son talent et de son identité. Excellent !

Bertrand Pourcheron (8,5/10)
Remerciements à Philippe Gnana

http://www.marillion.com/

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