Marillion – Best.Live

Best.Live
Marillion
2012
Madfish

Marillion - Best.Live

« Best.Live » est, comme son nom l’indique, sensé fournir à l’amateur éclairé de Marillion ou au simple néophyte la quintessence du fameux groupe d’Aylesbury en action sur scène, à partir de captations enregistrées en public entre 2003 et 2011. L’objet, un double album live bourré à craquer, est présenté sous la forme d’un magnifique digibook (seul le visuel de la pochette laisse un peu à désirer), publié sur le label Madfish, qui réédite en ce moment une partie du catalogue des anglais sous la même forme luxueuse, avec livrets augmentés, et pour un prix relativement bas. La compilation qui nous intéresse ici ne contient aucun inédit pour les  fans qui auraient déjà fait l’acquisition des nombreux albums live édités régulièrement sur tous supports (CD, MP3, DVD, et Bluray depuis peu) pour le compte de Racket Records, et se contente de proposer les meilleurs moments des concerts donnés par le groupe, y compris ceux de la tournée acoustique « Less Is More », qui heureusement ne jurent pas avec l’ensemble.

Premier constat, la qualité du son, excellente, bénéficiant d’un « étalonnage » absolument parfait, ce qui donne à l’auditeur l’impression stupéfiante d’assister à une seule et même prestation du quintet britannique. Mais si cette belle homogénéité sonore laisse pantois de par les retouches studios effectuées, il en est tout autrement en ce qui concerne l’agencement des morceaux choisis, avec une set-list qui, si elle avait été jouée en l’état au cours d’un spectacle, aurait quelque-peu manqué de cohérence et de nuance. « King » par exemple, généralement gardé  au chaud pour la fin vu son final herculéen, se retrouve ici placé juste après le très pop et tubesque (pour ne pas dire dispensable) « You’re Gone » en tout début de cet espèce de show virtuel pour le moins surprenant. Idem avec le passionnel et à fleur de peau « Neverland », qu’on attendrait davantage en fin de set qu’au beau milieu des festivités, surtout logé juste derrière le fleuve et non moins chimérique « This Strange Engine », venant tout juste de nous propulser au sommet d’une véritable tempête émotionnelle. Un titre plus léger aurait ici été le bienvenu pour changer d’ambiance et faire retomber la pression. Seulement voilà, ce n’est certes pas dans le registre des chansons les plus formatées que la bande au guitariste Steve Rothery excelle le plus, et la sélection ici effectuée est avant tout centrée sur les grands classiques de la période Hogarth (à l’exception du triptyque « Hotel Hobbies/Warm Wet Circles/That Time Of The Night « signé avec un Fish à l’apogée de son talent) que pensée comme la recette équilibrée d’un concert, avec ses règles pour maintenir la dynamique et l’auditoire en éveil, et toutes les alternances que cela suppose.

Il manquerait donc à cette double galette quelques morceaux plus directs, plus « rock », pour que l’illusion de vivre un show à part entière soit parfaite. Mais personnellement, je préfère vibrer sur le désenchanté « Somewhere Else », « This Train Is My Life », « Three Minutes Boys » (l’hymne mélodique façon « Hey Jude » de Marillion, même si son final est ici amputée de façon un peu maladroite, la coupe sur le piano solo étant bien trop perceptible), les émouvants « Out Of This World » ou « Fantastic Place », que de m’agiter frénétiquement sur « Cover My Eyes » (plus calibré U2 tu meurs!), « Between You And Me » (pareil !) ou « The Uninvited Guest », même si je ne dénigre pas, loin de là, ces titres énergiques, enjoués et participatifs, à l’occasion d’une soirée passée en compagnie de mon groupe préféré. Pour que le menu de ce « Best.Live » se rapproche de la venusté, il manquerait peut-être l’emblématique « Afraid Of Sunlight », le planant « Estonia » ou encore le déchirant « The Great Escape », mais dans ce cas, il faudrait penser à un « Best.Live Vol.2 », car avec Marillion, il y a vraiment plus que de quoi faire en terme du « meilleur de ». Dans le genre, je retiendrais ici une version particulièrement intense de l’introductif « The Invisible Man », où l’on a droit à une magnifique imitation (délibérée ?) de Roger Waters sur l’avant dernière partie de cette suite à tiroirs, par un Steve Hogarth très en voix, et qui, à l’image du plus torturé des Pink Floyd, est habité plus que jamais par le personnage qu’il incarne. La fin de disque est énorme également, mais dans un climat bien plus décontracté, avec la lumineuse chanson « Man Of A Thousand Faces » et son  final en apothéose, où le chanteur, vraisemblablement amusé par son collègue bassiste Pete Trewavas, va même jusqu’à laisser échapper un fou rire pendant sa prestation, impeccable en tout point de A à Z.

Pour conclure, je dirais que cet album live très honorable, malgré les quelques réserves évoquées plus haut, s’adresse tout autant à l’amateur qui ne souhaite pas se ruiner dans l’accumulation des témoignages live (souvent excellents!) régulièrement mis en vente sur marillion.com, qu’aux mélomanes qui ont la chance de ne pas encore connaître ce groupe de rock évolutif et progressif au sens noble du terme, aussi génial qu’attachant, aussi exigeant que facile d’accès. D’ailleurs, « Best.Live » constitue une idée de cadeau idéale pour tout fan bienveillant qui voudrait faire découvrir une source de plaisir et d’émotions infinis à des personnes de son entourage ouvertes musicalement. Et rappelons ici qu’un bel objet qu’on transmet de la main à la main, et que l’on concerve précieusement comme un bon livre, c’est quand même bien plus sympa que de simples fichiers informatiques compressés, désincarnés (à l’image de notre triste époque), et passés d’une clef USB à un disque dur.

Philippe Vallin (7,5/10)

www.marillion.com

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