Live Report – Mystery Chez Paulette (Pagney-derrière-Barine, 54)

Live Report – Mystery Chez Paulette
Mystery
Unicorn Digital
2018

Live Report – Mystery Chez Paulette

Mystery chez Paulette

Enfin, la France a pu lever le voile sur ce Mystery d’outre-Atlantique qui n’a jamais brûlé les planches des scènes françaises depuis sa création il y a plus de trente ans. Dès les premiers contacts avec le groupe québécois venu à la rencontre de ses « cousins » français comme le répètera inlassablement son frontman pendant tout le concert, on sent que l’émotion est palpable de part et d’autre. C’est que l’évènement organisé par l’association Arpegia a attiré des fans des quatre coins de la France et même de l’Europe (jusque du sud de l’Italie) dans ce temple campagnard du rock qu’est devenue la désormais célèbre salle lorraine Chez Paulette à Pagney-derrière-Barine (54). Les moments générateurs d’anecdotes sont légions tout au long de la journée, témoin ces fans suisses qui emboitent le pas à la joyeuse troupe des « Mysterons » et des « Arpegions » partis se restaurer à la bonne franquette dans un gite avant le show, nos chers Helvètes croyant dégoter un petit resto qu’ils, tel David Vincent dans Les Envahisseurs, ne trouveront jamais dans un si petit village (heureusement, Toul n’est qu’à dix minutes en voiture). Autre moment propice à la rigolade quand on leur réclame une photo de leurs « gosses » autrement dit « testicules » en argot canadien.

Dès le soundcheck, on sent la motivation du groupe dont l’ambiance harmonieuse est truffée de blagues en français. Son discret leader, Michel St-Pere, me confiant dans une interview à paraître prochainement dans nos colonnes qu’il pense avoir enfin stabilisé son line-up pour une longue période du fait d’une complicité et d’un engagement mutuel qui n’ont jamais été à ce niveau jusqu’à ce jour. Le groupe est mis dans les meilleures conditions, choyé par Arpegia et aussi par un jeune ingénieur du son très impliqué dans ses réglages. Je le verrai même quitter régulièrement sa console pendant le show pour se promener dans la salle afin de s’assurer de la qualité du rendu. À ce sujet, on frisera la perfection notamment pour le son de basse ronflant et une profondeur des tomes de batterie jamais écrasée par la grosse caisse comme on le constate trop souvent dans les salles. De même, le matériel mis à disposition des musiciens est au top, le batteur Jean-Sébastien Goyette le batteur qualifiant son kit de « paradise drums ». Avec de tels réglages de rythmique, l’espace sonore pour les autres instruments et en particulier le chant si pur de Jean Pageau sera étendu à son maximum, l’ensemble demeurant étonnamment puissant. Les « Mysterons » s’estimant « être traités comme des dieux » ne furent pas toujours à pareille fête précédemment, ayant même une fois subi les foudres d’un ingé-son britannique caractériel et anti-francophone.

Mystery chez Paulette band2

Seul bémol dans ce tableau idyllique, les musiciens sont tous légèrement souffrants du fait de dates britanniques dans des conditions climatiques assez fraîches (en particulier le batteur Jean-Sébastien Goyette et le chanteur Jean Pageaud). Si la qualité de la prestation n’en souffrira nullement, le concert sera quand même, par précaution, amputé de « Wolf » en second rappel.

« As I Am » lance en douceur le show et ce titre au refrain lumineux apparaît comme le tour de chauffe idéal avant le plus musclé « Pride » qui m’a semblé être cependant un peu écourté d’une partie instrumentale. Ces deux titres montrent deux gratteux bien calés sur les lentes parties de twin guitars. Jean nous convie sur « If You See Her » à une histoire de « taxage », terme québécois traduit par « rackett au lycée » par le Français de la troupe, le guitariste rythmique Sylvain Moineau dont les très sympathiques parents sont venus de Paris pour assister au premier show français du fiston installé au Canada depuis 17 ans. Ça semble flotter un peu sur les premières mesures de ce titre, l’occasion de se rendre compte que cette ballade, qui est certainement la plus jolie du répertoire du groupe, est bien plus complexe à exécuter et à chanter qu’elle ne le paraît de prime abord. Cependant, Mystery se recale très vite et la magie s’installe définitivement sur scène, les frissons de plaisir que j’éprouve à ce moment en témoignent largement.

Le martial « The Scarlet Eye » donne l’occasion au petit dernier, Antoine Michaud, de montrer qu’il s’amuse comme un gamin qu’il est, en faisant du playback sur ses propres nappes de clavier. Il sautillera partout pendant tout le concert, démontrant par là même son bonheur d’être désormais définitivement devenu un « Mysteron ».

Mais voici que l’on entre dans une autre dimension sous les accents orientaux de « Wall Street King » qui met en valeur toute la richesse des percussions de Jean Sébastien Goyette. On sourit ensuite quand Jean annonce le monumental « Another Day » en demandant ironiquement « Vous la connaissez ? ». Et comment qu’on la connait celle-là. « This world is coming to an end », mais pas le set, fort heureusement. Au-delà des accents médiévaux magnifiés par les guitares de Sylvain et Michel, on mesure le côté caméléon du chant de Jean Pageau qui reprend avec une facilité déconcertante le répertoire de son illustre prédécesseur Benoit David (ex-Yes) y compris sur la partie très rocky de ce morceau aux breaks jouissifs et aux riffs heavy. Jean empoigne pour la première fois du set sa flûte à bec et les claquements de mains spontanés du public se font entendre sur un final débridé. Certes, de telles œuvres mériteraient certainement un habillage de lights et d’effets vidéos et laser plus conséquents mais, d’un autre côté, force est de constater que, quand la musique pratiquement seule parvient à générer tant d’émotions, on se dit que l’on ne s’est pas fait abuser par une mise en valeur « too much à l’américaine ».

Après une première pause méritée, nos six cousins reviennent en sortant du placard « Shadow Of The Lake », seul titre antérieur à notre siècle présent, chanté par un Jean costumé tel un « Zorro » du prog. Voilà encore une belle leçon de maîtrise de l’intensité dramatique du show avec un début de morceau pas trop punchy mais qui prendra de l’ampleur en particulier lors des joutes de guitares qui auront paradoxalement l’effet de déchaîner de nouveau leur claviériste sautillant.

Mystery chez Paulette band1

À la fin de ce titre, un Jean goguenard lancera « Vous êtes nickel ! » (expression française apprise lors du repas précité) avant d’annoncer un « Dear Someone » s’approchant du firmament de l’émotion en précisant « Vous pouvez la chanter si vous la connaissez ». La performance vocale atteinte sur ce titre atteint des sommets et arrache finalement des longs « Oh, oh oh oh… oh ! » à un public conquis. Jean fait définitivement oublier… qui déjà ?

L’alliage entre l’émotion, la passion et la puissance est définitivement réalisé quand coule dans le creuset de Mystery l’airain « pendragonesque » de « The Willow Tree ». La setlist est remarquablement équilibrée puisque la ballade « The Sailor And The Mermaid » souffle un vent d’apaisement bienvenu avant que Jean, armé de son keytar puis de sa flûte ne dédie à son public français la fort justement nommée « A Song For You ».

Ca y est, le firmament est atteint avec ce morceau alternant des parties instrumentales confinant à la jam avec d’autres de grande classe dominées par le chant et le clavier d’un Jean omniprésent, soutenues par le jeu de batterie très éclectique mais jamais envahissant de Jean-Sébastien Goyette et atomisées par les deux six-cordistes émérites que sont Michel et Sylvain. Antoine chauffe le public avec sa gopro pendant un final magistral qui laisse tout le monde pantois alors que le placide François Fournier incarne la force tranquille tel un Steve Rothery de la basse.

Après une telle démonstration, certes attendue, Jean présente les « voyous » qui l’accompagnent. Puis, le jazzy « Travel To The Night » et le plus métallique « Preacher’s Fall » passent comme une lettre à la poste pour terminer cette seconde partie du show de façon plus accélérée et souder Mystery avec son public conquis. Alors que le show n’est même pas encore terminé, un fan s’exclame du fond du cœur : « Depuis le temps qu’on vous attendait, faudra revenir ! »

Évidemment, Mystery a gardé le meilleur pour la fin aussi, on se dit que le rappel sera d’anthologie quand l’introduction titanesque de « Delusion Rain » retentit. J’ai rarement entendu une intro aussi prenante que celle-ci mêlant des sonorités électro d’une intensité dramatique à un jeu de batterie à la « Time » de Pink Floyd auquel le bassiste François Fournier apporte son concours en fracassant moult cymbales. La guitare de Michel crie son désespoir alors que celle de Sylvain assène des riffs secs et assassins.

Mystery chez Paulette band3

Les lyrics, le chant, la guitare  et le riff à la Dream Theater (« Finally Free ») qui constitue le credo du morceau sont incroyablement bouleversants et font chavirer une dernière fois un public qui n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Jean est tellement en confiance qu’il provoque même un break pour faire chanter une des strophes du refrain par ce dernier avec plus de succès qu’au Veruno 2016.

Jean-Sébastien se mue en traditionnel bûcheron canadien pour torturer son kit de batterie sur le final comme s’il voulait lui faire rendre l’âme. C’est lui qui, ému aux larmes et manifestement surpris par un tel accueil, s’adresse au public le qualifiant d’incroyable en lui promettant de revenir alors que Jean s’engage pour le groupe à « jaser » (discuter) avec nous après le show.

Il est des concerts rares pendant lesquelles il se passe vraiment quelque chose de magique entre le groupe et le public. Ce soir, les deux, mis dans des conditions idéales par Arpegia et le staff de Chez Paulette, auront répondu présent au rendez-vous exceptionnel que constituait le premier show de l’histoire de Mystery en France.

Photos © Christian Arnaud

Rudzik

https://www.therealmystery.com/

Vidéo amateure

Vidéo issue du DVD Live Second Home

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