Knifeworld – The Unravelling (+ interview)

The Unravelling
Knifeworld
2014
Inside Out

Knifeworld – The Unravelling

Si, à l’évidence, Knifeworld est un groupe qui œuvre dans un rock que l’on qualifiera de résolument moderne, il est par contre fort difficile de lui coller une étiquette précise tant la manière de composer et d’aborder la musique qu’a la bande du chanteur et guitariste d’origine iranienne Kavus Torabi est originale. A tel point que l’on peut rapprocher les huit compositions gravées sur le second CD du combo (mis au monde cinq longues années après « Buried Alone -Tales Of Crushing Defeat ») d’un rock mutant à la Cardiacs ou à la Oceansize, beaucoup plus sur le fond que sur la forme. C’est toutefois la première comparaison qui vient à l’esprit car le combo évolue dans une veine moins loufoque et moins fougueuse que ses deux confrères. Sachez en tout cas que Knifeworld possède une sacrée personnalité qui lui permet d’exister comme une entité à part entière et non pas comme un vulgaire suiveur. La première preuve que la formation aime à se démarquer des autres est son line-up.

Pas moins de huit membres répondent ainsi présent à l’appel, avec une forte présence des cuivres (Chloe Herrington au basson et au saxophone, Josh Perl au saxophone et enfin Nicki Maher au saxophone et à la clarinette). Tout cela nous rapproche bien entendu de pointures telles que Frank Zappa, Henry Cow (le basson cher à Kavus Torabi est souvent à l’honneur), le King Crimson de « Lizards » et Doctor Nerve. Dans le même temps, les vocaux hypnotiques de la belle Melanie Wood évoquent les fastes de Stella Vander de Magma (l’excellent titre d’ouverture « I Can Teach You To Lose A Fight »). Pour rester dans le domaine du chant, on mettra en exergue un travail d’orfèvre au niveau des harmonies vocales, avec des suites et des superpositions de voix masculines et féminines de toute beauté.

Knifeworld

L’autre particularité du gang anglais est qu’il étire de manière assez prolongée ses morceaux. Rien de neuf sous le soleil, nous rétorquerez-vous. Sauf que dans ce style, mixant avec réussite pop (ah ces handclaps, ce glockenspiel, ce tambourin, cette batterie frétillante, cette guitare solaire et cet optimisme insolent dans les chœurs) et avant gardisme (usage décalé des cuivres – tour à tour hilares et menaçants – et interludes méditatifs à la « The Skulls We Buried Have Regrown Their Eyes » et « This Empty Room Once Was Alive » qui empruntent à la musique contemporaine), les compositions sont généralement plutôt ramassées.

Or ici, les titres oscillent tous allègrement autour de la barre des six minutes, et ceci sans qu’il soit question de breaks à tout-va comme il est de coutume chez les gangs progressifs considérés comme « orthodoxes ». Le groupe développe donc des pièces riches en atmosphères qui se dévoilent lentement, avec des poussées de fièvre souvent prenantes (les enjoués « The Orphanage » et « Send Him Seaworthy »). Bref « The Unravelling » est un bien bel album, exigeant un effort supérieur à la moyenne et ne révélant sa beauté profonde que petit à petit.

Lucas Biela & Bertrand Pourcheron (8/10)

http://www.knifeworld.co.uk/
[responsive_vid]


 

Interview de Kavus Torabi de Knifeworld

Kavus Torabi

Leader du groupe de rock progressif avant-gardiste Knifeworld, Kavus Torabi, est un artiste complet, assurant le chant, la guitare et la composition. Son expérience inclut des collaborations avec Cardiacs, Guapo, Gong et Chrome Hoof. Knifeworld est un projet qu’il a mis sur pied en 2009, mêlant habilement rock de chambre, pop et rock progressif. Le premier album de cette nouvelle formation, « Buried Alone – Tales of Crushing Defeat », sorti en 2009 sur le propre label de Kavus, Believer’s Roast, a été encensé par la critique. En 2013, après de multiples bouleversements dans la composition du groupe, Knifeworld s’est attelé à travailler sur des nouvelles compositions, qui se sont retrouvées sur leur nouvel album, « The Unravelling », sorti cette année sur le label Inside Out Music. Pour nos lecteurs de Clair & Obscur, Kavus a accepté de répondre à quelques questions.

C&O : Bonjour Kavus. Avant la sortie officielle du nouvel album de Knifeworld, très peu d’informations étaient disponibles sur votre site web au sujet du parcours du groupe, les rares notes étant sous forme d’une synthèse énigmatique avec des personnages de BD. Ce choix était-il lié à une volonté de garder le mystère autour de l’identité du groupe comme le fit Magma en son temps ?

KT : J’aime le mystère. Il n’est pas nécessaire de tout dévoiler. La plupart des biographies de groupe se ressemblent de toute manière. Ça change d’écrire quelque chose qui sort des sentiers battus, d’avoir une biographie qu’on lirait un peu plus comme de la musique. On est à l’ère d’internet. Et il est ainsi possible de tout savoir d’un artiste ou d’un groupe, avec une simple recherche sur le Web.

C&O : A propos du groupe, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur la genèse de Knifeworl ?

KT : J’avais enregistré une sorte d’album solo, « Buried Alone : Tales Of Crushing Defeat », avec quelques invités, comme la chanteuse Melanie Woods et le batteur Khyam Allami. J’ai choisi d’appeler le projet Knifeworld car il me semblait que ça sonnait mieux que Kavus Torabi et aussi parce que je me sentais un peu gêné de sortir un album « solo ». Quand l’album est paru en 2009 j’ai contacté quelques-uns de mes meilleurs amis et musiciens pour leur demander de jouer ses morceaux sur scène. Je me suis donc tourné vers des personnes avec qui j’avais joué et tourné dans le passé et dont le profil me semblait aller de pair avec ce que je recherchais. C’est seulement une fois que nous avons commencé à faire de la scène que nous sommes devenus un véritable groupe. La composition de la formation a un peu changé et s’est élargie pour devenir celle d’aujourd’hui. Je pense que du point de vue harmonique et mélodique, le nouvel album est proche du premier mais dans « The Unravelling » le travail collectif du groupe ressort plus que sur le premier CD. De mon côté, je trouve que j’ai beaucoup évolué sur le plan vocal. Nous avons sorti deux EPs depuis le premier album, je pense donc que vous pouvez vous rendre compte de notre évolution. Nous nous attachons toujours à ce que nos nouvelles compositions soient meilleures que les précédentes, je pense donc que le nouvel album est meilleur dans l’ensemble mais, en toute franchise, nous n’enregistrerions pas des chansons si nous ne les aimions pas. J’aime tout ce que nous avons fait jusque-là.

C&O : Comment se déroule la collaboration avec tes partenaires ? Est-ce qu’ils participent individuellement au travail de composition ou est-ce qu’ils suivent ta propre vision ?

KT : Dans l’ensemble c’est moi qui écris les compositions mais la plupart des membres du groupe sont compositeurs eux-mêmes en dehors de Knifeworld, ce n’est pas comme s’il n’y avait que ce groupe pour eux. Nous sommes amis car, comme je l’ai dit, j’ai déjà joué avec la plupart d’entre eux dans d’autres projets que Knifeworld.

C&O : Le basson revêt une grande importance à tes yeux, que ce soit dans tes projets antérieurs ou avec Knifeworld. D’où te vient cette passion pour cet instrument ?

KT : J’adore le son qu’il produit. Je suis étonné que son utilisation ne soit pas davantage répandue dans le rock. Je pense que ma passion du basson remonte à l’écoute de Steve Reich, Henry Cow et Frank Zappa. Et également à la mélodie d’ouverture du « Sacre du printemps » de Stravinski.

C&O : La musique sur « The Unravelling » a un côté pop très prononcé avec un accent sur les harmonies vocales, d’où vient ce choix et a-t il été aisé de partager cette orientation avec les autres membres du groupe ?

KT : Cela n’a pas posé de problème car, fort heureusement, ils aiment mes chansons. Ca vient de mon envie d’incorporer tout ce que j’aime dans ma musique. J’apprécie la musique pop et les harmonies vocales, les handclaps, le glockenspiel et ainsi de suite. D’un autre côté, j’aime aussi les polyrythmies complexes, de même que toutes les harmonies, structures et accords sortant de l’ordinaire. Je ne vois aucun problème à associer tous ces éléments dans une même chanson ! J’essaie de mettre sur pied ce qui correspondrait à mon groupe idéal, n’est-ce pas le rêve de tout musicien ?

C&O : Ton nouvel album a été encensé par la critique, que ce soit dans les webzines ou dans la presse spécialisée, grâce entre autres à une très bonne cohésion du groupe : est-ce que tu comptes garder la même composition pour les prochains disques ou aimerais-tu à nouveau la changer pour apporter quelque chose de différent par rapport aux albums précédents ?

KT : C’est une bonne question. Même si ce n’est pas pratique, j’aimerais garder la composition actuelle dans son ensemble. Je ne pense pas que nous ayons épuisé toutes nos ressources créatrices. J’espère que personne ne quittera le groupe, mais si cela arrivait je suis toujours partant pour arranger différemment la musique. Nous avons eu quelques changements dans le passé et ça me chagrine toujours un peu. En général c’est parce que la personne ne peut plus s’impliquer dans la formation du fait d’autres engagements. Cela nous donne néanmoins l’occasion de faire évoluer notre musique, ce qui est toujours excitant. Sur cet album, la section rythmique est différente des précédentes, ce qui a ouvert de nombreuses perspectives et a eu un impact sur la composition car j’aime écrire et arranger pour chaque musicien individuellement. Par ailleurs, depuis l’enregistrement du CD, notre saxophoniste ténor nous a quittés et a été remplacé par un saxophoniste baryton qui nous offre des sonorités splendides.

C&O : Est-ce que tu projettes d’étendre ta tournée à d’autres pays que le Royaume-Uni, la France par exemple ?

KT : Absolument. Nous sommes en train de planifier des dates pour la fin de l’année. Et si ne parvenons pas à boucler pour 2014, nous déborderons sur 2015.

C&O : As-tu d’autres projets en tête ?

KT : Beaucoup trop. En dehors de Knifeworld, je suis déjà bien occupé avec Guapo et Gong mais il y a toujours des idées qui me viennent à l’esprit. C’est trouver du temps qui pose problème. En fait, j’aime être occupé. Quand je suis occupé, je n’ai pas le temps de penser aux problèmes existentiels qui m’embrouilleraient et me feraient agir d’une manière qui ne me plaît pas. Je suis tellement content d’être autant impliqué dans Knifeworld.

C&O : Souhaiterais-tu ajouter quoi que ce soit à l’entretien ?

KT : Non, merci pour vos questions.

Propos recueillis par Lucas Biela & Bertrand Pourcheron


 

Interview with Kavus Torabi of Knifeworld

Leader of the avant-garde progressive rock band Knifeworld, Kavus Torabi, is an accomplished guitarist, vocalist and composer. His experience encompasses collaborations with Cardiacs, Guapo, Gong and Chrome Hoof. Knifeworld is a project he founded in 2009, blending cleverly chamber rock, pop and progressive rock. The first album, « Buried Alone – Tales of Crushing Defeat », released in 2009 on Kavus’ own label, Believer’s Roast, was critically acclaimed. In 2013, after several line-up changes, Knifeworld started working on new material, which soon turned to their second album, « The Unravelling », released this year on Inside Out Music. For our readers of Clair & Obscur, Kavus accepted to answer our questions.

C&O : Your website was initially very spare about the band’s history, and the information was provided in enigmatic comics synopsis, was that because you wanted to keep the identity of the band mysterious, as did Magma in their time ?

KT : I like mystery. You don’t need to know everything. Most band’s histories are are pretty much the same anyway. It’s nice to write something a bit more unusual, to have a biography that reads a little more like the music. This is the age of the internet. You can find out pretty much anything you want to know about a person or band and a great deal you didn’t want to know anyway.

C&O : Regarding the history of the band, could you tell us more about the genesis of Knifeworld.

KT : I had recorded a sort of solo album, « Buried Alone : Tales Of Crushing Defeat », with a few special guests, mainly the singer Melanie Woods and the drummer Khyam Allami. I decided to call it Knifeworld because I thought it sounded better than Kavus Torabi and also because I felt a little self-conscious releasing a « solo » album When the album was released in 2009 I asked some of my favourite friends and musicians if they wanted to perform the music live. These were people I had previous experience playing and touring with and who I thought would fit in with what I was trying to do. Once we started playing live it became a proper band. The line-up changed a little and expanded to what it is now. I think harmonically and melodically it is still similar to the first album but The Unravelling is very much the sound of a band playing together rather than the more studio-oriented debut. For me personally I feel I have developed a lot as a singer. We have released two EPs since the first album so I think you can hear the band’s development. We always want everything we do to be better than what we did before so I think this album works better as a whole but to be honest we wouldn’t release anything if we didn’t like it. I love everything we’ve done.

C&O : How do you work with your mates in the band ? Is everyone proposing you ideas or do you ask them to follow your own vision ?

KT : It’s pretty much my vision but most of the guys in the band are composers in their own right outside of Knifeworld so it’s not as if this is their only thing. We’re a group of friends, like I say I’ve played with most of these guys outside of Knifeworld too.

C&O : Bassoon seems to be important for you, be it in your past projects, or in Knifeworld. Where does your love for bassoon come from ?

KT : I love the sound of it. I’m surprised it isn’t used more often in rock. I suppose my early love came from the likes of Steve Reich, Henry Cow and Frank Zappa. That and the opening phrase of Stravinsky’s Rite Of Spring.

C&O : The music on « The Unravelling » has a definitely strong pop vibe with a stress on vocal harmonies, how did you decide on this orientation and was it difficult to share your vision with the other band members ?

KT : It’s not difficult because, thankfully, they like my songs. It grew out of making the music full of all the things I love. I love pop music and I love vocal harmonies, handclaps, glockenspiel etc. I also love complex polyrhythms, unusual harmonies, structure and chord progressions. I don’t think of it as a problem having all those elements in one song ! I’m trying to create what would be my favourite band, isn’t that what all musicians do ?

C&O : Your new album has received very positive critics in webzines and specialized press, thanks among other to a very good harmony between the members of the band: do you plan to keep the same line-up for future releases or do you like the idea of changing line-up in order to bring something new with comparison to your previous efforts ?

KT : That’s a good question. I’d love to keep the full line up, as impractical as it is. I still don’t feel we’ve exhausted the possibilities of what is possible. I hope that no one leaves, but should they have to then I’m always open to exploring different ways of arranging the music. We have had a few line-up changes and it’s always a little sad . It’s usually because someone is unable to do it any more because they become too busy with something else. It does create an opportunity for the sound to mutate which is exciting. This album has a different rhythm section from our previous recordings which has opened up the sound a lot and affects the way I write because I always like to write and arrange for the specific musicians. On top of that, since recording the album, our tenor sax player has left and been replaced with a baritone sax player which sounds magnificent.

C&O : Do you plan to extend your tour to other countries than UK, in France for example ?

KT : Absolutely. we’re trying to sort some dates out for later this year. Failing that we’ll definitely be over in 2015.

C&O : Do you have other projects in mind ?

KT : Too many. I’m busy enough outside of Knifeworld with Guapo and Gong but I always have ideas. It’s finding the time that’s the problem. I like being busy. If I’m busy I don’t have time to think about the kind of existential problems that confuse me and make me behave in a way I don’t like. I’m so glad things are getting busier with Knifeworld.

C&O : Would you like to add something to the interview ?

KT : Thanks for the questions.

Interview with Kavus Torabi by Lucas Biela & Bertrand Pourcheron

 

6 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.