Incantation – Mortal Throne Of Nazarene

Mortal Throne Of Nazarene
Incantation
1994
Relapse Records

Incantation

Oh, le vilain p’tit truc que voilà. Plus visible qu’un furoncle l’engin. Les pochettes des nineties, tout un pan d’histoire, une certaine idée de l’esthétique faite crasse. Ce n’était pas du gore propre, retouché, hein. On savait à quoi on avait affaire, celui-là d’autant plus. Faut dire que ça claque. Incantation, c’était clair et immédiat, pas de doute sur la provenance de la viande. Légèrement faisandée, un peu cuite à l’étouffé, du genre qui reste sur l’estomac, une vrai saveur, les valeurs de l’artisanat. Incantation, c’est du lourd. Plus pesant que ça, il n’y a qu’un paquebot du Paraguay. Sale, suintant, du genre à polluer tout son environnement. Et Incantation, c’est un peu son trip tu vois, te remuer les bas-fonds de l’estomac et de l’inconscient, te plonger dans l’autre monde, celui dont tu as entendu parler durant le catéchisme du mercredi matin avant que papi et mamie viennent te chercher. Mais, j’sais pas, c’est peut-être la lumière, mais je préfère cette version. C’est, comment dire, plus vivant, suintant, méchant. Les anges du Golgotha chutent à moitié calcinés et s’étalent comme des grosses flaques de boue. Ici, la chair mute, grossit. Elle est grotesque et grouillante, telle un bon gros polype qui ne demande qu’à éclater en gerbes. C’est une tempête de spores, ça défigure, ça charcle et ça t’étouffe dans ses miasmes. Ça, c’est le death des 90’s, l’âge d’or, impérial, sans concurrence, même pas par les pandas de Norvège. Avec cette bête-là, on ouvre le portail de l’au-delà et on t’y enfonce à coup de bottes au cul. Le son, digne d’un sauna, n’est pas des plus propres. On le sent bien, c’est plus du barbecue mais quelle senteur, cette atmosphère ! Dégueulasse.

Et ça irrigue par toutes les veines, mon salaud. Du Clive Barker chez les cathos avec une louche de Cronenberg. « Mortal Throne Of Nazarene » ne parle que du corps, de sa décomposition, de la viande au sens sculptural qu’on modifie pour placer dans un cadavre exquis. La religion aussi, parce qu’ils font chier les curetons. Plus c’est innommable, mieux c’est. C’est qu’on est joueur. T’es dedans. Incantation, c’est aussi cette voix de terreux, Craig Pillard, l’un des sommets du genre, le souffle sépulcral qui retire la poussière des os. Et puis, ne vous attendez pas à du bouleversement, hein. Ici, on quadrille, on force le passage à coups de riffs occultes et on te fait comprendre que tu n’aurais pas dû bouffer une Ostie à 11h. Mel Gibson sans le côté réac quoi ! De la bonne bidoche crue, faut savoir la couper sur le fil, éviter le nerf, d’un geste appuyé et sûr, sans dévier d’une griffe : plus le sang gicle, et davantage le goût sera prononcé. Et je ne vous parle pas du fumet, putride juste comme il faut, à peine le temps de sortir du marais, le souffle vous y replonge illico-presto.

Le type de death qu’on refait avec des Antideluvian, Encoffination ou Malthusian, 20 ans après. Technique sans se la faire mathématique : éjaculateur précoce, production crados qui renifle sans être dénuée de sens, impropre mais agréable au toucher et cette aura de messe cannibale. Oh oui, il est bien vilain cet objet : spongieux comme une tourte de doigts d’enfants boudinés, il fait un peu peur, il sue le bestiau, crénom. Et puis ça reste sérieux, on ne rigole pas là, les ricains ils ne font pas dans la demi-portion. Tu veux l’Enfer de Dante ? J’te le donne-moi, sans artifice, non censuré.

Tac : trente-cinq minutes et je te termine le tout avec le morceau doom bien glauque et oppressant, plus long histoire de bien comprendre où tu es, au cas où t’aurais pas encore saisi le concept. Purement nineties, foutrement occulte et malsain, aussi bourrin qu’un phacochère épileptique : Incantation est vilain, Incantation est méchant et il t’en mettra jusqu’au cou.

Jérémy Urbain (8,5/10) 

http://incantation.com/

 

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