Genesis – The Lamb Lies Down On Broadway : la chanson (1974)

genesis-the-lambGenesis, à l’instar de tous les très grands groupes de rock, est une entité absolument passionnante dans son histoire, ses membres et ses disques et qui comme toutes les très grandes formations a sorti des tas de chansons et d’albums bourrés de recoins, d’ombres et de mystères. Pour ne prendre qu’un exemple, Pink Floyd a son Monolithe emblématique et insurpassable The Dark Side Of The Moon. Celui de Genesis, en plus de l’incroyable chanson fleuve et phare « Supper’s Ready », est « The Lamb Lies Down On Broadway ». Je me rappelle encore mon effarement à l’écoute de ce monstre musical en 1976, juste après avoir découvert Genesis avec A Trick Of The Tail. Boudiou, « The Lamb », ça secoue ! Comment du haut de mes 16 ans aurais-je pu comprendre un double-album aussi riche, dense et pétri d’énigmes ? Il faut du temps, beaucoup de temps, pour l’apprécier à sa juste valeur, commencer à en percer les nombreux secrets et l’apprivoiser un peu. Bon, alors que cela soit clair, nulle question pour moi de chroniquer « The Lamb » dans sa redoutable globalité, même en vingt chroniques, il y aurait mille fois trop de choses à dire. Cependant, durant deux chroniques, celle-ci et la suivante, je veux bien tenter d’apporter quelques modestes lumières sur « The Lamb », la chanson, ce sera dans cette chronique-ci, et sur l’origine de The Lamb, l’album, lors de ma chronique suivante.

Dans ma chronique récente à propos de « Hidden In The World Of Dawn » une chanson de 1967 préfigurant, en inversée, « The Lamb Lies Down On Broadway », je disais que dans « Hidden In The World Of Dawn » on sort du rêve pour entrer dans la réalité, alors que dans « The Lamb Lies Down On Broadway », on sort de la réalité pour entrer dans le rêve. Mais j’ai omis alors de dire que « Hidden In The World Of Dawn » était une chanson pétrie d’onirisme à l’anglaise, romantique et léger, alors que le rêve à l’américaine intégré dans « The Lamb Lies Down On Broadway » a plutôt des allures de cauchemar éveillé. On retrouve le thème du rêve au sein de A Trick Of The Tail sous la forme d’un « Entangled » éblouissant de songerie et merveilleusement British. Alors, à qui la faute si « The Lamb Lies Down On Broadway » effraie plus qu’il ne donne à rêver ? Sûrement pas à Mike Rutherford qui militait pour un album consacré au Petit Prince pour faire suite à Selling England By The Pound. D’autres membres de Genesis avaient aussi leur idée sur la question. Mais ce fut celle de Peter Gabriel qui s’imposa, grandiose, ébouriffante, dantesque, l’histoire de Rael, un portoricain des rues chaudes de New-York qui va littéralement traverser l’Enfer avant de devenir son vrai lui-même, Real.

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On peut comprendre que New-York, lors de la tournée américaine de Selling England By The Pound, ait pu à la fois stupéfier et fasciner Peter Gabriel. New-York la ville-monde, New-York la ville qui ne dort jamais, New-York la ville de tous les possibles et forcément aussi de tous les excès. Peter Gabriel s’est pris les gratte-ciels de Manhattan en pleine tête et son cerveau déjà passablement hyperactif a passé la surmultipliée. Les autres ont vite compris que le torrent de délires à venir ne tiendrait pas sur une seule galette. Alors ils ont bossé double pour que l’album soit double. Tony, sans en dire un mot, n’était quand même pas trop d’accord. Il trouvait qu’un double-album menait forcément à une certaine dilution de la bonne idée de départ. Mais en tant que meilleur copain de Peter, il voulait bien, encore une fois, le suivre dans ses méandres et ses folies. Et puisqu’on parle de Tony, il faut souligner pour la millionième fois l’intro de dingue qu’il a donné à « The Lamb », cette sorte de toccata hallucinante et totalement géniale qui ouvre avec grâce et brio l’album avant qu’il nous entraîne dans les sombres recoins de la psyché humaine.

Cependant une intro, même à tomber par terre, ne fait pas un morceau. Or, pour trouver l’inspiration concernant la première chanson du double-album en projet, Peter Gabriel n’a pas eu à aller bien loin, juste au milieu dans ses meilleurs souvenirs musicaux. En effet, lui, le fan transi de musique noire américaine n’a eu qu’à se souvenir du standard « On Broadway » composé en 1963 par Barry Mann et Cynthia Weil en collaboration avec le duo Jerry Leiber-Mike Stoller d’abord enregistré par Les Cookies mais popularisé par Les Drifters avant d’être porté à ses sommets par George Benson. Peter Gabriel va d’autant plus s’inspirer de « On Broadway » que cette chanson débute par deux phrases qu’il va mettre en fin du morceau « The Lamb Lies Down On Broadway » et qui forment le thème central et fantastique du double-album :

« They say the neon lights are bright on broadway,
They say there’s always magic in the air ».

Et voilà en chantant « They say there’s always magic in the air » à la fin de sa chanson, Peter Gabriel prononce la formule enchantée, le mantra qui propulse le double-album dans un tourbillon de mystères, de drames et de rebondissements. D’autres drames et d’autres rebondissements au sein de Genesis accompagnés d’autant de mystères feront de The Lamb Lies Down On Broadway le dernier chef-d’oeuvre d’une époque.

Frédéric Gerchambeau

http://www.genesis-music.com/

« The Lamb Lies Down On Broadway »

And the lamb lies down on Broadway.

Early morning Manhattan,
Ocean winds blow on the land.
The Movie-Palace is now undone,
The all-night watchmen have had their fun.
Sleeping cheaply on the midnight show,
It’s the same old ending-time to go.
Get out!
It seems they cannot leave their dream.
There’s something moving in the sidewalk steam,
And the lamb lies down on Broadway.

Nightime’s flyers feel their pains.
Drugstore takes down the chains.
Metal motion comes in bursts,
But the gas station can quench that thirst.
Suspension cracked on unmade road
The trucker’s eyes read ‘Overload’
And out on the subway,
Rael Imperial Aerosol Kid
Exits into daylight, spraygun hid,
And the lamb lies down on Broadway.

The lamb seems right out of place,
Yet the Broadway street scene finds a focus in its face.
Somehow it’s lying there,
Brings a stillness to the air.
Though man-made light, at night is very bright,
There’s no whitewash victim,
As the neons dim, to the coat of white.
Rael Imperial Aerosol Kid,
Wipes his gun-he’s forgotten what he did,
And the lamb lies down on Broadway.

Suzanne tired her work all done,
Thinks money-honey-be on-neon.
Cabman’s velvet glove sounds the horn
And the sawdust king spits out his scorn.
Wonder women draw your blind!
Don’t look at me! I’m not your kind.
I’m Rael!
Something inside me has just begun,
Lord knows what I have done,
And the lamb lies down on Broadway.
On Broadway-
They say the lights are always bright on Broadway.
They say there’s always magic in the air.

« On Broadway »

They say the neon lights are bright on broadway
They say there’s always magic in the air
But when you’re walkin’ down that street
And you ain’t had enough to eat
The glitter rubs right off and you’re nowhere

They say the women treat you fine on Broadway
But looking at them just gives me the blues
‘Cause how ya gonna make some time
When all you got is one thin dime
And one thin dime won’t even shine your shoes

They say that I won’t last too long on Broadway
I’ll catch a Greyhound bus for home, they all say
But they’re dead wrong, I know they are
‘Cause I can play this here guitar
And I won’t quit till I’m a star on Broadway

I won’t quit till I’m a star on Broadway


Une superbe cover au piano par Ian Tanner qui éclaire le rôle époustouflant de Tony Banks dans ce morceau :

2 commentaires

  • Peter Gabriel influencé par « On Broadway » des Cookies, Drifters et autres George Benson, ça ne manque pas de sel…
    Merci pour cet article intéressant et aussi par la découverte du dénommé Ian Tanner (qui est-ce donc au juste ?)
    Bien à vous.

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