Fleet Foxes – Shore

Shore
Fleet Foxes
ANTI-
2020
Thierry Folcher

Fleet Foxes – Shore

Fleet Foxes Shore

S’il y a un groupe qu’on identifie au premier coup d’oreille, c’est bien nos amis de Fleet Foxes. Leurs harmonies vocales furent la grande sensation de l’année 2008 et projetèrent la formation vers un succès aussi soudain qu’inattendu. Leur premier album éponyme avec une pochette démente représentant Les Proverbes Flamands de Pieter Brueghel l’Ancien fut parmi les plus écoutés et les plus plébiscités de l’année. Un engouement unanime de la part du public mais aussi des médias qui le placèrent au sommet des charts du monde entier. Coup de maître assurément qui ressuscitait les Beach Boys et les grands groupes à voix des sixties. Bien entendu, l’originalité vocale ne fait pas tout. Les Fleet Foxes, amenés par le charismatique Robin Pecknold, se sont forgés leur réputation grâce à des compositions absolument délicieuses fabriquées au son d’un folk/rock enjoué et très mélodieux. La démarche est artisanale et ne fera l’objet d’aucun compromis commercial si bien que Shore publié le 22 septembre 2020 n’est que leur quatrième opus en douze ans. Après Helplessness Blues (2011) marqué par le départ de Josh Tillman (batteur et futur Father John Misty) puis l’aventureux Crack-Up (2017), Robin à même songé un temps à arrêter le groupe. C’est donc avec soulagement et curiosité que la musique de Shore fut dévoilée numériquement pour l’équinoxe d’automne avec une sortie physique décalée en février 2021. Drôle de stratégie qui confirme la méthode autodidacte employée depuis le début et qui rend Fleet Foxes plus attachant que par exemple…leurs cousins anglais de Coldplay, légèrement englués dans le marketing. Quatre albums donc et tous très bien accueillis. Les deux premiers fonctionnant comme un diptyque, puis six ans plus tard une bonne remise en question artistique avec le déroutant Crack-Up qui allait dévoiler la part sombre du groupe de Seattle. Un album progressif, étrange, moins facile d’accès mais au final, vibrant et indispensable.

Retour à la clarté et à l’espoir avec Shore. Comme on peut le voir sur la pochette, la mer de Crack-Up s’est calmée et le rivage apparaît comme un lieu solide et rassurant face à l’immensité menaçante de l’océan. La pandémie et le confinement ont beaucoup fait réfléchir Robin sur la place de la musique dans nos sociétés. Il le dit lui-même, elle n’est pas vitale mais essentielle. Il reconnaît surtout ne pas devoir donner trop d’importance au processus de création et au ressenti du public. C’est donc dans un climat apaisé que les quinze chansons de Shore ont été écrites et enregistrées entre New-York, Paris et Los Angeles avec l’aide de la fidèle Beatriz Artola aux manettes. Il a fallu passer entre les gouttes pandémiques mais l’album s’en est bien sorti et fut bouclé dans les temps. Cela commence par quelques accords de guitare acoustique et là, surprise, ce n’est pas Robin que l’on entend mais une certaine Uwade Akhere dont la voix sensuelle fait résonner magnifiquement cette ode à l’amour et à l’été. « Wading In Waist-High Water » est un titre éclatant de lumière que Robin nous envoie par procuration avec cette touche de malice qui nous met à l’arrêt. Puis le superbe « Sunblind » enchaîne et remet les choses en place. On est tout heureux de retrouver le son Fleet Foxes sur cette chanson étonnante où Robin ouvre son cœur en décrivant avec humilité la part importante de ses idoles disparues. Dans son hommage on croise Richard Swift, Judee Sill, Arthur Russell, Nick Drake, Jeff Buckley, pris comme témoins de ses œuvres terrestres. C’est bien la première fois que je vois un artiste adopter une telle attitude vis-à-vis de son travail. C’est carrément du : « je ne vous arrive pas à la cheville mais je vais tout faire pour ne pas vous décevoir ! ». Vraiment surprenant de sa part quand on connaît les qualités d’auteur/compositeur du bonhomme. Robin Pecknold est un écorché vif de la marque des insatisfaits, celle qui fait les vrais artistes et les belles carrières.

Fleet Foxes Shore Band 1

Bon, tout va bien, après cette surprenante confession, la machine s’emballe et Shore ne va plus nous lâcher jusqu’à la fin. L’ambiance rappelle celle des débuts avec la maturité en plus et l’allégresse retrouvée. Les empilages sonores nous renvoient vers ces fameux chants chorals à la fois enfiévrés et recueillis (« Can I Believe You »). Je ne vous l’ai pas dit, mais ce dernier album des Fleet Foxes s’est fait…sans les Fleet Foxes habituels. Robin Pecknold est seul à l’écriture et pour l’interprétation, c’est le hasard des rencontres qui va désigner les compagnons de ce projet hors du commun. On croise notamment les Westerlies, un quatuor de cuivres plein de charme qui procure rondeur et luxuriance sur plusieurs titres. Je pense à « A Long Way Past The Past » où leurs échos résonnent comme un ressac puissant mais sans danger. Je pense aussi à « Going-To-The-Sun Road » où ils deviennent plus aventureux et omniprésents. Ce joli morceau exotique révèle sur la fin quelques vers en Portugais chantés par le Brésilien Tim Bernardes. Shore est très consistant et plusieurs écoutes ne sont pas de trop pour aller quérir toutes les subtilités. On repère par exemple l’ambiance religieuse de « For A Week Or Two » ou le folk ensoleillé de « Maestranza ». A noter aussi la reproduction d’un échantillon vocal de Brian Wilson prononcé au début de « Cradling Mother, Cradling Women ». Hommage rendu au mentor des Beach Boys, celui qui a ouvert la voie et les yeux de Robin.

Fleet Foxes Shore Band 2

Shore est peut-être l’album le plus maîtrisé des Fleet Foxes (je devrais dire de Robin Pecknold). Il conjugue habilement l’énergie juvénile des deux premiers opus avec l’écriture plus délicate (dans tous les sens du terme) de Crack-Up. Pour moi, c’est celui que je préfère même si, à l’instar d’un Pet Sounds, il ne peut s’offrir au premier contact. Je suis persuadé de revenir vers lui avec d’autres perceptions ou d’autres sentiments qui pourraient à coup sûr compléter cette chronique. Il faut voir celle-ci comme une première sensation et surtout, une invitation à ne pas passer à côté.

https://fleetfoxes.bandcamp.com/album/shore

 

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